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pressans dans la capitale et les autres villes. Les Allemands constituent à Bucharest le noyau d’une petite société à part qui a ses comités, ses journaux, ses fêtes particulières, ses bals et son tir. Ils ont introduit dans le pays, avec beaucoup de succès, la fabrication de la bière, et ouvert dans la capitale, outre les tavernes montées sur le pied viennois, des hôtelleries confortables. Artisans et marchands, ils tiennent des articles de toute espèce, à l’exception toutefois d’une partie du commerce de luxe, particulièrement dévolue à l’industrie française. Si les ouvriers français ne sont pas encore très nombreux en Roumanie, ce n’est point que leur habileté n’y soit pas appréciée de la haute classe, en partie élevée à Paris. En revanche, des entrepreneurs et des ingénieurs français et anglais concourent, dans une mesure de plus en plus large, à l’organisation des diverses industries, ainsi qu’à l’exécution des travaux publics. Il n’y a lieu de mentionner la participation d’un petit contingent de marchands indigènes au trafic de leur pays qu’à Bucharest. En Moldavie, les Juifs polonais se sont répandus dans les villes et les campagnes à tel point qu’ils ont fait de cette contrée une autre Galicie. Non-seulement tout trafic et débit, mais encore toutes les petites industries locales ont passé entre leurs mains, et cet accaparement, facilité par l’indolence de la population roumaine, est devenu odieux à celle-ci, parce qu’elle trouve qu’il l’appauvrit et la ruine. Cette disposition a conduit dans la suite à des violences et rigueurs semblables à celles que les Juifs ont subies à diverses époques en Galicie, en Bohême, à Odessa, en Alsace, ainsi qu’en Algérie. La parcimonie et la saleté extrêmes du prolétariat juif ont contribué à augmenter une aversion dans laquelle l’intolérance religieuse n’entre cependant pour rien, du moins chez les Roumains. Le fait est seulement que ces derniers, considérant les Juifs comme la plaie de la Moldavie, ont parfois trouvé plus commode de les persécuter que de s’appliquer à chercher des moyens plus conformes à la raison et à la justice. Nous comprenons les scrupules du gouvernement roumain quant à une admission générale des Juifs à la jouissance des droits politiques en Moldavie; mais on ne saurait applaudir aux lois d’exception, portant atteinte au droit commun en matière civile et de propriété, établies et maintenues contre eux. On trouverait dans les voies de la législation générale des précautions et des remèdes plus efficaces. Cette question des Juifs est plus délicate et plus compliquée qu’il ne semble de prime abord; elle paraît d’ailleurs marcher, avec l’apaisement et les progrès de sagesse dans l’esprit du pays même, à une solution satisfaisante. Ajoutons qu’il existe à Bucharest même une classe d’Israélites peu nombreuse, mais riche, très honorable, ayant ses traditions particulières et jouissant de l’estime générale, ceux qu’on appelle d’après