Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/313

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nous ignorons s’il fut fait droit à la requête de ces étudians. En tout cas, M. Tyndall avait raison de la citer en preuve du désir de savoir et, nous l’ajouterons, de la grande confiance dans la science moderne qui ont pénétré jusque dans les rangs les moins exposés, semblait-il, à la contagion. L’épiscopat irlandais s’est-il rendu compte de l’imprudence qu’il a commise en abandonnant l’ancienne position que, d’accord avec nos vieux gallicans, il avait longtemps maintenue contre les prétentions infaillibilistes du Vatican? N’a-t-il envisagé que le côté théologique de la question sans se préoccuper des embarras d’autre nature que ces prétentions allaient fatalement multiplier? Il est vrai qu’il a suivi la peine sur laquelle si rapidement ont glissé depuis 1870 la plupart des évêques de la catholicité, et il faut avouer que la multitude ignorante n’a rien fait pour le leur faire regretter; mais devant un public éclairé, instruit ou avide de s’instruire, quelle position intenable! Comme il est facile, en fouillant les archives de l’église, d’en exhumer l’une ou l’autre de ces déclarations pontificales qui enchaînent l’ultramontanisme aux erreurs scientifiques les plus palpables! Pour prendre un exemple entre bien d’autres, la déclaration de la congrégation de l’Index du 5 mars 1616, sous Paul V, qui prohibait et condamnait, au nom du siège apostolique, tout livre enseignant le mouvement de la terre autour du soleil, pouvait, dans la théorie gallicane de Bossuet, passer pour une erreur locale, momentanée, n’entamant en rien la vérité catholique fixée par les pères et les grands conciles; mais avec le système de l’infaillibilité papale, qui a prévalu dans le dernier concile, comment se tirer d’affaire sans rompre, soit avec la papauté, soit avec la science? Peut-être les évêques irlandais auraient-ils pu répondre à leurs pupilles, trop désireux de goûter aux fruits de l’arbre de la science, qu’ils ne savaient ce qu’ils demandaient, et qu’en ne leur permettant pas d’y toucher ils n’étaient que les tuteurs prudens de leur innocence.

Le grief le plus populaire que l’on eût fait valoir contre M. Tyndall, c’est qu’il avait fait l’apologie du matérialisme et qu’il avait affirmé des conclusions qui passent pour incompatibles avec toute croyance religieuse. On aimera sans doute à savoir jusqu’à quel point ce reproche est fondé, et comment il s’y est pris pour réhabiliter la réputation, passablement décriée, du matérialisme philosophique.

C’est Démocrite, nous dit-il, qui introduit dans le monde grec la théorie de l’atome, infini en nombre et dont les chocs, les répulsions, les agrégations, donnent lieu à l’apparition de tout ce qui existe. Les erreurs et les lacunes de son système ne sauraient lui ôter la gloire d’avoir fondé la science indépendante de la nature. Toute