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et l’affinage, suivant diverses méthodes dites bergamasque, wallonne, du Berry, du Nivernais, etc. Enfin l’emploi de la houille, au milieu du XVIIIe siècle en Angleterre, un peu plus tard en France, permit à la production indigène de prendre un grand élan, surtout après la paix de 1815, malgré la crise que subissaient les usines au bois. La relation nécessaire entre la forêt et le haut-fourneau qu’elle alimente de combustible, bien que n’étant garantie en France par aucune institution positive analogue aux bergstags suédois, avait été longtemps maintenue par la coutume. Le traitement des minerais de fer n’était pour le propriétaire de la forêt qu’un moyen d’exporter les produits de ses bois sous une forme réduite. Néanmoins le défrichement des futaies a été trop souvent conduit avec une imprévoyance dont les funestes effets se firent sentir pour les usines comme pour les forêts, malgré les efforts de la législation forestière de François I er et de ses successeurs[1].

Depuis la révolution et le morcellement des héritages, la séparation entre la forêt et le haut-fourneau, devenue le fait ordinaire, est l’une des causes qui ont le plus entravé l’essor de la production en provoquant la décadence trop rapide de nos forges au bois. Les réformes économiques du second empire, en abaissant les barrières de douane, ont singulièrement accéléré dans l’industrie du fer le mouvement progressif qui, en raison du développement des capitaux et des voies de communication, tend à substituer aux petits ateliers disséminés de grandes usines placées sur les bassins houillers. C’est ainsi que dans le Nivernais, le Berry, le Périgord, à proximité d’excellens minerais tertiaires et jurassiques, le nombre des hauts-fourneaux décroît pendant que s’accentue la prospérité des vastes établissemens, tels que le Creusot, Decazeville, Commentry, les grandes usines du nord et de l’est, qui élaborent non-seulement les minerais de la localité, mais surtout ceux que des communications faciles leur permettent de tirer des départemens éloignés ou même de l’étranger. Au surplus quelques chiffres suffisent à rendre ce fait évident : en 1835, 866 usines à fer employaient une force totale de 22,600 chevaux; en 1869, sur les 1,105 établissemens qui utilisaient une force totale de 76,300 chevaux, 318, mis en activité par la vapeur, absorbaient à eux seuls une force de 47,900 chevaux. Cependant une heureuse réaction commence peut-être à se faire sentir sur quelques points, notamment en Savoie : auprès des forêts qui leur assurent un affouage régulier et surtout des gisemens qui leur fournissent des minerais de qualité spéciale, des fours se sont rallumés récemment pour la fabrication des fers destinés à la production de l’acier. Nous sommes en effet au début d’une évolution nouvelle, et l’on peut entrevoir un avenir prochain où l’acier aura remplacé le fer dans un grand nombre

  1. Alfred Maury, les Forêts de la Gaule et de l’ancienne France, p. 437.