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d’un ton plus leste et plus spirituel à M. de Castellane, qui, lui aussi, accusait la gauche de trahir le suffrage universel : « Heureusement vous êtes là pour le défendre! » La gauche s’en est tenue à cette piquante représaille, et elle a tout voté comme le centre droit a tout voté. Le gouvernement lui-même enfin, sauf une intervention d’un moment à l’occasion du sénat, a gardé l’attitude la plus réservée; il n’a répondu à aucune provocation. M. le général de Cissey s’est borné seulement à relever d’un accent énergique et indigné un reproche de « défaillance» qui semblait adressé par un légitimiste au chef de l’état. Probablement M. le maréchal de Mac-Mahon n’aurait pas eu à essuyer ce reproche, s’il eût consenti à échanger son titre de président de la république pour celui de lieutenant-général du roi, en inclinant le drapeau sous lequel le sang de la France a coulé à flots devant le drapeau de M. le comte de Chambord.

A qui revient maintenant, dira-t-on, la part principale de victoire dans l’œuvre où chacun a son rôle? La gauche a sans doute la république, qui était dans ses vœux. Le centre droit, de son côté, a incontestablement réussi à inscrire dans les lois constitutionnelles quelques-unes des garanties qu’il désirait, qui étaient le prix de son concours, et parce que ces lois consacrent la seule chose possible aujourd’hui, parce qu’elles constituent une république contre laquelle on déclame perpétuellement sans pouvoir la supprimer, parce qu’une transaction en a fini avec une crise fatigante, est-ce à dire que tout soit perdu, qu’il n’y ait plus qu’à se couvrir de cendres avec M. de Franclieu et M. de Belcastel? Est-ce à dire qu’une définition plus précise d’un état qui dure depuis quatre ans déjà suffise pour compromettre ces « principes et ces intérêts conservateurs » que M. le maréchal de Mac-Mahon vient de rappeler encore une fois, dont il se déclare le mandataire fidèle et invariable? Assurément, aujourd’hui comme hier, les intérêts conservateurs sont en sûreté, ils doivent être sauvegardés, et, si on le veut, les lois à peine votées d’hier offrent elles-mêmes toutes les ressources possibles pour les protéger. Le gouvernement, gardien naturel des intérêts conservateurs, n’est point un des vaincus de la discussion qui vient de se clore; il en sort au contraire mieux armé, ayant désormais l’autorité d’un gouvernement régularisé et le droit de se faire respecter. Les principes conservateurs ne sont nullement mis en péril par les lois nouvelles; ils ont pour eux toutes les garanties, la formation d’un sénat qui, avec un peu de bonne volonté, peut être une institution des plus sérieuses, la faculté de dissolution laissée au chef de l’état, une transmission du pouvoir exécutif prudemment combinée, le droit de révision constitutionnelle, et même, par une exception où l’on ne verra sans doute rien de révolutionnaire, M. le maréchal de Mac-Mahon garde seul le droit de proposer cette révision pendant la durée de sa présidence.