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des herbes. Son interprète avait raconté d’ailleurs qu’en s’isolant chaque jour derrière quelque buisson il avalait rapidement d’énormes quantités de feuilles et d’herbes, et les serviteurs de notre botaniste affirmaient qu’ils le voyaient revenir tout guilleret et content de chaque excursion dans la forêt, tandis qu’eux se sentaient alors tout brisés et affamés. Le roi Wango avait donc résolu d’attaquer la caravane à son retour, afin de garder l’ivoire qui lui avait été confié, et en approchant de la petite rivière qui forme la limite des états de Wango, on trouva la déclaration de guerre : un épi de maïs, une plume de coq et une flèche. Des guides se présentèrent, jurant que, sous leur protection, la caravane serait en sûreté. Abd-es-Samâte eut le tort de donner dans ce piège; à peine était-on en route que les flèches des A-Bangas arrivaient drues comme grêle. Abd-es-Samâte lui-même reçut un coup de lance dans les reins; la blessure était grave, mais M. Schweinfurth s’empressa de la panser suivant les règles de l’art. Cependant l’ennemi croyait que le chef de la caravane était mort, et des bandes d’indigènes rôdaient autour du camp, insultant leurs adversaires par des invectives proférées en arabe et qu’ils semblaient avoir apprises tout exprès pour les adresser aux Nubiens. Samâte, irrité de ces injures, se fit porter sur un cône de termites, du haut duquel, brandissant son cimeterre, il défia pendant un quart d’heure ses agresseurs. Le lendemain, il y eut encore quelques escarmouches, mais l’ennemi ne tarda pas à battre en retraite. Pourtant la blessure d’Abd-es-Samâte nécessita une halte de plusieurs semaines, pendant laquelle notre botaniste, séparé de la caravane et campé avec sa suite sur les bords du Nabambisso, où il se trouvait privé de toute ressource, eut le loisir de se familiariser avec les tourmens de la faim. Bien des fois il fit son régal d’une poignée de termites mêlés à quelques grains de maïs. Quand la faim devenait trop vive, il s’enfonçait dans le fourré, dont les splendeurs faisaient taire les cris de l’estomac. N’y tenant plus, il résolut de ne plus attendre le retour d’Abd-es-Samâte et d’entreprendre une excursion aux sources du Diour, qui le rapprochait des zëribas et lui permettait de s’approvisionner. Le 1er juin, il revenait au Nabambisso, et peu après Abd-es-Samâte arriva lui-même au rendez-vous. Au mois de juillet, il rentrait dans la zèriba de Ghattas.

Les mois suivans furent remplis par de courtes promenades dans les contrées voisines, et M. Schweinfurth se disposait à suivre une nouvelle expédition dans le pays des Niams-niams quand, le 1er décembre 1870, un incendie provoqué par la décharge d’un fusil détruisit la zèriba et anéantit une grande partie de ses collections. En fouillant les ruines de sa demeure, le voyageur retrouva deux caisses renfermant des instrumens, puis quelques fers de lance et d’autres armes qu’il avait rapportées de chez les Niams-niams et les Mombouttous; mais les spécimens de