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acceptant sans murmure tous ses caprices. Nsévoué avait à peine dix-sept ans quand M. Schweinfurth devint son propriétaire, et sa taille était alors de 1 mètre 34 centimètres. Causer avec lui n’était point chose aisée, car le langage des Akkas est presque inarticulé, et ils éprouvent une difficulté extrême à parler une autre langue que leur idiome naturel. Nsévoué ne put jamais apprendre les quelques mots d’arabe qui auraient suffi pour une conversation élémentaire, et même pour le bongo il n’arriva qu’à balbutier d’une manière à peine intelligible quelques bouts de phrase. Ses instincts n’avaient rien de généreux. Il se faisait remarquer par une gloutonnerie effrayante, il s’amusait à torturer les animaux, à cribler de flèches les chiens qu’il rencontrait. Pendant un combat que la caravane eut à livrer aux Niams-niams, Nsévoué jouait avec les têtes des ennemis décapités. Lorsqu’il vit qu’on les faisait bouillir pour dépouiller les crânes, il courait et sautait en criant : Bakînda nova? Bakînda hi hè koto ! (où est le coquin? le coquin est dans la marmite.)

Les Akkas sont établis au sud des Mombouttous et leur sont en partie soumis; ils chassent pour leurs voisins et sont protégés par eux. Le roi Mounza a obligé un certain nombre de familles de cette nation à se fixer dans les environs de sa résidence, et il leur fournit tout ce qu’on trouve de meilleur à manger et à boire dans le pays. Il semble que les Akkas appartiennent à une longue série de peuples nains qui habitent les régions équatoriales de l’Afrique, et qui offrent tous les caractères d’une race aborigène. Ils rappellent les Boshimans sous beaucoup de rapports; ils ont notamment, comme ces derniers, de très grandes oreilles. Leur couleur est le brun mat du café peu brûlé; ils ont peu de barbe et la chevelure courte et laineuse. La tête, trop grosse, est supportée par un cou mince et faible ; les bras sont longs et grêles, le dos fortement arrondi; l’épine dorsale est tellement flexible qu’après un repas copieux l’échine se creuse et le dos figure un C. M. Schweinfurth parle avec admiration de leurs mains petites et délicates comme celles d’un enfant. Les Akkas sont essentiellement chasseurs; ils excellent dans l’art de poser des pièges, de surprendre le gibier et de s’en emparer ; ils sont rusés, méchans et cruels. Rien n’égale la vivacité de leurs mouvemens, la mobilité de leurs traits, qui les fait ressembler à des singes plutôt qu’à des hommes.

En retournant chez les Niams-niams, la caravane eut à repousser une attaque où son chef Abd-es-Samâte fut grièvement blessé. Il avait été obligé de laisser une charge considérable d’ivoire en dépôt chez un chef voisin, le roi Wando, qui depuis longtemps ne cachait pas ses dispositions hostiles, et qui avait menacé de faire un mauvais parti au mbarik-pèh (mangeur d’herbe), — c’est le nom par lequel les indigènes désignaient M. Schweinfurth parce qu’ils le voyaient sans cesse ramasser