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une sorte de galette très mince, souple et résistante comme une feuille de papier, le kissir des Arabes. Le riz sauvage, qui entoure les étangs et s’y développe d’une manière extraordinaire, n’est pas recueilli, et les chefs des zèribas n’ont pas encore songé à introduire ici la culture du riz d’Egypte, à laquelle les nombreux terrains noyés conviendraient à merveille. En revanche, on a un certain nombre de légumineuses telles que plusieurs espèces de haricots et l’arachide, — l’igname aux longs tubercules farineux pesant plus de cinquante livres, et dont la saveur paraît préférable à celle de nos pommes de terre, — le sésame, l’hyptis, le bamia (hibiscus), dont les fruits se mangent bouillis, le sabdariffa, dont le calice acide remplace le vinaigre, et une foule de plantes sauvages dont les feuilles charnues servent à la confection de soupes et de purées qui rappellent l’oseille et les épinards. Pendant la saison des pluies poussent des champignons sans nombre et qui tous sont parfaitement comestibles; les Bongos les font sécher pour assaisonner leurs ragoûts, auxquels ils donnent ainsi un fumet repoussant pour un palais européen. Ce qui est digne de remarque, c’est que chez toutes ces tribus on rencontre des plantations de tabac de Virginie; une autre nicotiane assez commune pourrait fort bien être indigène.

Quand la récolte a été mauvaise ou que la provision de grain est épuisée, les Bongos trouvent encore une abondante ressource dans les tubercules, généralement très amers, de leurs plantes sauvages, qui presque toutes offrent un développement souterrain remarquable. En fait de nourriture animale, ces sauvages sont beaucoup moins difficiles que la plupart des animaux supérieurs; ils ont des goûts de vautour. On les voit ramasser avec délices les restes putréfiés du repas d’un lion, vider avidement le contenu de la panse des bœufs; ils appellent gibier tout ce qui rampe et ce qui grouille : rats et serpens, scorpions, vers, larves de termites, etc. Cependant à certaines époques de l’année les Bongos se livrent aussi à la chasse et à la pêche, pour laquelle ils fabriquent des engins fort ingénieux. Ils apportent le même soin dans tout ce qu’ils font. Leurs demeures sont solides, à l’abri de l’humidité et construites avec une certaine recherche du confort. Enfin ils sont habiles à travailler le fer avec un outillage tout à fait primitif : un coin de fer ou un simple galet pour marteau, un morceau de bois vert fendu pour pince, une pierre pour enclume. Le minerai, qui abonde chez eux, est fondu dans des fourneaux à trois compartimens dont le premier et le dernier sont remplis de charbon, celui du milieu renfermant des couches alternées de charbon et de minerai. Ils vendent le fer sous trois formes différentes : comme fer de lance, comme fer de bêche et comme disques informes, appelés koullouti, qui servent de monnaie courante dans le pays et vont s’entasser dans les magasins des riches. Des armes de tout genre et beaucoup d’ornemens sont fabriqués avec