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nous complaisions jadis. Ce qu’a si bien défini M. Cobet, c’est l’idéal qu’il nous faut poursuivre, celui dont plusieurs de nos maîtres ont approché ou qu’ils sont tout près d’atteindre; mais notre péché, le danger qui nous menace, si ce n’est point ce jargon pédantesque, latin ou non, qui déplaît si fort à notre ami, c’est l’élégance superficielle et creuse, le goût de la rhétorique. Pour nous empêcher de glisser sur cette pente, à défaut des avertissemens que nous épargne la délicatesse de M. Cobet, nous tous qui lisons la Mnémosyne, nous avons ses exemples.

M. Cobet parle le latin comme le français, ce qui n’est pas peu dire; bientôt après nous avoir ainsi souhaité la bienvenue, il portait à M. Madvig, dans la langue de Cicéron, un toast qui était un chef-d’œuvre d’urbanité. En le saluant du titre de prince des philologues contemporains, omnium qui nunc sunt philologorum facile princeps, ne froissait-il pas quelques amours-propres? Nous l’ignorons; mais les applaudissemens qui avaient accueilli ces paroles redoublèrent quand on vit se lever M. Madvig. Tous les regards se fixèrent sur cette tête intelligente et pensive. Quoiqu’il sache l’allemand comme un Saxon, le vieillard avait voulu se servir du français. Il commença par s’excuser, lui, le doyen des grammairiens ici présens, de faire des fautes de grammaire; puis, après avoir remercié son confrère et émule Cobet, il parla des liens qui unissaient le Danemark à la Hollande, du beau spectacle que donnaient ces petits pays, de l’énergie que l’homme y déployait et des services qu’ils rendaient à l’Europe. Ce fut presque le dernier discours qu’on écouta : les étrangers désiraient répondre aux témoignages de sympathie qui leur avaient été adressés; mais entre les deux parties de ce dialogue il avait coulé trop de Champagne et de vin du Rhin. La sonnette du président ne réussissait plus à dominer le tumulte; elle n’obtint qu’un demi-silence pour le doyen de la députation française, M. Milne Edwards, qui rappelait ce que les Hollandais avaient fait pour les sciences naturelles dans l’extrême Orient, et exprimait l’espérance que, grâce à eux, l’intérieur de Sumatra serait bientôt aussi exploré et aussi connu que celui de Java. A partir de ce moment, pour être même mal entendu, il fallut monter sur une chaise, et développer, comme certains Allemands, un volume de voix vraiment formidable. Un d’entre eux, professeur de physique, j’imagine, obtint un succès, au moins parmi ses voisins, en buvant à la bouteille de Leyde; il la compara, non sans gaîté, à celle, déjà vide aux trois quarts, qu’il tenait en main, et déclara que ce serait non plus la bouteille, mais les bouteilles de Leyde qu’il vanterait dans ses cours. Le calme se rétablit alors pour écouter le prince d’Orange rendre hommage, en excellens termes, à la mémoire