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en commun les droits augustes de la vérité, de la civilisation et de la liberté. »

La séance était levée; mais une heure plus tard nous nous retrouvions tous dans le grand temple, l’ancienne église de Saint-Pierre, pour entendre le discours du recteur Heynsius, un physiologiste éminent. Le spectacle que présentait cette vaste nef était vraiment imposant. De vastes estrades, qui remplissaient le chœur et les tribunes, étaient occupées par une foule de curieuses et de curieux accourus de toutes les parties du royaume; au pied de la chaire, des places étaient réservées pour le roi et pour la cour. Des deux côtés de cet espace, dans la grande nef, prirent place les professeurs et les délégués étrangers. En arrière, dans les transsepts et les bas côtés, s’étaient groupés, outre les étudians, beaucoup d’anciens élèves de Leyde. On regardait, on se montrait les costumes que portaient certains étrangers, le camail de velours rouge et le riche collier d’or des recteurs d’Iéna et de Bonn, la toque et le plumet du Hongrois, les bonnets de soie jaune et de soie bleue des Portugais, d’où pendaient un grand nombre de glands semblables à ceux que l’on attache aux embrasses des rideaux.

Le roi, la reine, les princes, entrèrent, accompagnés du corps diplomatique, aux sons de l’air national. M. Heynsius monta en chaire, et le silence se fit. Le discours, qui dura près d’une heure, était en hollandais; on avait eu l’excellente idée d’en faire imprimer et de nous en distribuer la traduction. Il n’eut point, paraît-il, l’heur de plaire à tous les compatriotes de l’orateur; celui-ci, nous dit-on, avait abordé, avec une liberté qui manquait de discrétion en ce lieu et dans cette auguste présence, certaines questions de politique et d’administration locales qu’il eût mieux fait de ne pas soulever. Nous n’étions point juges de ces convenances; par l’élévation des idées et par une absolue sincérité, cette harangue eut auprès des étrangers le plus vif succès. Il est rare, dans d’autres pays, qu’en pareille occasion, dans un discours officiel et solennel, un orateur dise tout ce qu’il pense et ne dise rien qu’il ne pense. Ici l’on sentait qu’il en était autrement; M. Heynsius touchait, avec la franchise la plus hardie et la plus calme, aux sujets les plus délicats, aux rapports par exemple de la théologie et de la critique, aux droits de la science.

Il faisait un froid glacial dans l’église; ce fut donc un bonheur, aussitôt le discours terminé, de traverser à grands pas la ville pour se rendre aux salons, où nous attendaient le roi et la reine. Les députations étrangères leur furent présentées, et leurs majestés s’entretinrent longtemps avec ceux de leurs membres dont le nom et les travaux étaient de notoriété européenne. A peine avaient-elles