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universités étrangères se faisaient représenter au jubilé. Parmi les noms des délégués, on remarquait ceux du Danois Madvig, le premier latiniste de l’Europe, de MM. Ernest Curtius et Stark, éminens archéologues de Berlin et d’Heidelberg, des philosophes et théologiens Kuno Fischer, Riel et Nôldeke, célèbres dans toute l’Allemagne, et bien d’autres qu’il serait trop long de citer. Il y avait jusqu’à des députés d’Helsingfors, l’université la plus septentrionale de l’Europe, de Klausembourg en Transylvanie, de Coimbre en Portugal. On comptait près de quatre-vingts délégués; les professeurs et les principaux habitans de Leyde avaient tenu à se partager tous ces visiteurs comme des hôtes anciens et connus. Toutes les maisons se préparaient et s’élargissaient pour nous recevoir; on se serrait pour nous faire place sous le toit domestique, à la table et au foyer de la famille.

Le rendez-vous était pour le 7 au soir à Leyde; nous devions, à huit heures, être présentés au bourgmestre et au corps de ville, qui nous offriraient ce que l’on appelle dans les Flandres le vin d’honneur. Je quittai Paris le 5. Après une longue et froide nuit d’hiver, le jour se leva pour moi près d’Anvers, sur un triste pays où des landes tourbeuses sont semées de plus rabougris. Cela rappelle la Sologne, mais en laid. Nous entrions bientôt en Hollande, laissions de côté Bréda et franchissions un large bras de mer, le Holland’sche Diep, sur un admirable pont, un chef-d’œuvre des ingénieurs contemporains. En revanche, à Rotterdam, il faut encore traverser la Meuse en bateau ; le tablier du pont sur lequel le chemin de fer doit la franchir n’est pas encore posé.

Bas et sombre le matin, le temps s’est levé. C’est entre Rotterdam et La Haye que je commence à voir, sous un pâle rayon de soleil, la vraie Hollande. L’aspect en est original. Deux traits donnent à ce pays son caractère à part, la plaine verdoyante, peuplée, infinie, qui s’étend de toutes parts jusqu’à la limite même de l’horizon, et l’eau qui vient partout se mêler à la terre et la traverse, la pénètre en tous sens. On peut presque dire qu’ici les deux élémens se confondent par ces grands bras de mer ou ces vastes embouchures qui conduisent les plus grands navires jusqu’au cœur du pays, par ces canaux qui traversent villes et villages et semblent les vraies routes de la Hollande, par tous ces fossés d’assèchement qui coupent les prairies. Lorsque le ciel est clair, ces larges rigoles en réfléchissent l’azur; on dirait de longs rubans bleus étendus sur l’herbe, qu’ils font paraître plus verte et plus tendre encore. Ce n’est point, comme ailleurs dans les terrains inondés et bas, le marécage avec ce qu’il a de confus, de malsain, d’hostile à la vie; c’est l’eau partout aménagée, réglée, disciplinée. Si l’homme ici se relâchait un instant,