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et d’Albinus attirait à Leyde tant de disciples attentifs et curieux.

Nous n’insisterons pas davantage ; les exemples donnés nous suffisent pour montrer le caractère et le rôle européen, international, de l’Academia Lugduno-Batava. Il se marque par le choix et l’origine des professeurs, comme par la provenance variée des étudians. La Belgique a prêté à Leyde Juste-Lipse, la France, outre Scaliger et Saumaise, le jurisconsulte Donneau, le botaniste Lécluse, l’Allemagne Cocceius, Gronovius, Hermann, Albinus, Ruhnken, Pestell, la Suisse Wyttenbach et bien d’autres. Quant aux élèves, la proportion d’étrangers est plus forte encore ; il suffit pour s’en assurer de parcourir le livre que vient de faire imprimer l’université de Leyde, et où figurent les noms des 70,000 étudians qui, pendant trois siècles, sont venus du monde entier y prendre leurs inscriptions. Sans parler des philologues et des médecins qu’attirèrent à Leyde des maîtres comme ceux que nous avons déjà nommés, la faculté de théologie rendit, presque jusqu’à nos jours, de précieux services à certaines églises protestantes placées dans des conditions difficiles, comme celles de Hongrie, de Transylvanie et de Pologne ; elle se chargea de former pour elles dans la connaissance des saintes Écritures les jeunes gens qui se destinaient au ministère sacré. C’est à Leyde, presque autant qu’à Genève, que ces églises doivent d’avoir pu résister à des persécutions plus ou moins cruelles, de n’avoir jamais, au milieu de toutes leurs épreuves, manqué de guides spirituels.

Pendant ces trois siècles si bien remplis, ce qui permettait à tous ces étudians d’origine diverse d’entendre leurs maîtres et de s’entendre entre eux, c’était le latin, seule langue alors parlée à l’université. À l’unité de langue correspondait l’unité de régime. Comme le remarquent avec fierté les historiens de l’alma mater, ni les règlemens, ni les mœurs n’y ont jamais tracé, entre les étudians de noble extraction et les fils de bourgeois et de paysans, cette ligne de démarcation que consacraient les statuts des autres universités, soit sur le continent, soit dans les îles britanniques. Tout le monde était égal devant le recteur magnifique et le sénat académique : pas de privilèges, sinon ceux qui étaient communs à tous les étudians, qui leur assuraient les bénéfices d’une juridiction spéciale, du forum academicum ; pas non plus de déclaration et de serment religieux imposé aux consciences, comme celui qui a si longtemps fermé aux dissidens les portes d’Oxford et de Cambridge. Dès le XVIIe siècle, des églises s’étaient rouvertes à Leyde pour l’exercice du culte catholique.