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fut, comme nous dirions aujourd’hui, bien plutôt une institution internationale qu’une université purement hollandaise.

En 1578, Dousa réussit à décider Juste-Lipse, chassé par les troubles de la Belgique, sa patrie, à se fixer à Leyde. Cet érudit, auquel doivent tant les textes classiques et surtout celui de Tacite, était alors au comble de sa gloire; aussi Dousa, en l’attachant à l’université, croyait-il avoir encore plus fait pour son pays qu’en arrachant jadis Leyde aux Espagnols.

Gloria cuique sua est. Justum impertisse Batavis
Laus mea, et hæc pluris obsidione mihi.

Non-seulement Lipse faisait des cours, mais il aidait de ses conseils les curateurs et dans la rédaction des règlemens, que l’on cite comme un modèle de sagesse, et dans le choix des professeurs. Ses leçons et sa présence attirèrent à Leyde une foule d’étudians anglais, écossais, français, belges et allemands. Il quitta Leyde en 1591 pour des motifs qui n’ont jamais été bien éclaircis; bientôt après il retournait au catholicisme et s’établissait à Louvain. Dousa réussit à le remplacer par un plus grand que lui. Joseph-Juste Scaliger, un Gascon, était alors le prince des érudits; c’est son livre capital, le de Emendatione temporum, qui a fondé tout le système chronologique sur lequel repose pour nous la connaissance de l’histoire ancienne. Des négociations furent engagées, par l’intermédiaire du prince Maurice de Nassau, le fils et l’héritier de Guillaume, Henri IV y prêta son concours; à deux reprises des députés de l’université allèrent, non sans avoir en chemin toute sorte d’aventures, trouver en Touraine Scaliger. On lui offrait, outre des honoraires qui étaient énormes pour l’époque, des distinctions bien faites pour flatter la vanité de celui qui prétendait descendre des anciens princes de Vérone : il n’aurait même pas à faire de cours publics; on ne lui demandait que l’honneur de sa présence, et dans toutes les occasions solennelles il prendrait rang non-seulement avant tous les professeurs, mais avant le rector magnificus. Les négociations durèrent deux ans; enfin en 1593 Scaliger se rendit à ces instances. Son voyage à travers la France et les Provinces-Unies fut une vraie marche triomphale. Il séjourna à Leyde depuis ce moment jusqu’à sa mort en 1609. La veuve de Guillaume, Louise de Coligny, le prince Maurice, Barneveld, Dousa, l’accablèrent de prévenances et d’égards qui ne se démentirent jamais. Des contrées de l’Europe les plus éloignées, on accourait à Leyde pour briguer l’honneur d’être admis en sa présence; les Suédois et les Polonais s’y rencontraient avec les Hongrois et les Italiens. Sur les 3,233 étudians qui furent immatriculés de 1593 à 1609, pendant la durée du