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On se demande quelle influence a pu exercer sur le sort des ouvriers le régime moderne de l’industrie. A côté du capital, qui trouve des emplois plus abondans et plus variés, quelle est la part de la main-d’œuvre ? Le taux et le mode de rémunération du labeur manuel sont-ils librement réglés, et les salaires sont-ils plus élevés ? Les progrès industriels, en déplaçant trop souvent les populations ouvrières, en les attirant vers les villes et en les agglomérant, ont-ils amélioré leur condition matérielle et leur sentiment moral ? Il y a longtemps déjà que ces questions ont été posées et débattues avec passion. De là sont sortis tant de systèmes sur l’organisation du travail, la plupart inspirés par les rêves de ces réformateurs socialistes qui ont fourni à M. Louis Reybaud l’occasion de si vives et si justes critiques. Les utopies sont cependant vivaces, surtout quand l’intérêt politique les alimente, et il importe que les économistes aient l’attention tournée constamment vers ces problèmes du travail industriel dont l’étude intéresse des millions de familles. Des enquêtes périodiques et fréquentes sont nécessaires. Il appartient aux académies de les ordonner, car, de la part des gouvernemens, elles risqueraient d’être suspectes, et notre Institut ne pouvait mieux choisir son explorateur qu’en confiant cette mission à celui de ses membres qui s’est occupé avec le plus de persévérance, et sans parti-pris politique, de la situation économique et morale des ouvriers.

L’enquête sur le fer et sur la houille contient la description la plus complète de ces deux industries. Elle a été faite sur place, au Creusot, à Anzin, à Fourchambault, dans le bassin de la Loire, en Lorraine, en Franche-Comté et en Champagne. Une partie de ces études a été publiée d’abord dans la Revue. Nos lecteurs connaissent donc la méthode d’observation qui a été adoptée par M. Louis Reybaud, et qui donne tant de prix à ses travaux. L’aridité trop connue, mais cependant exagérée, de l’économie politique, disparaît. C’est un exposé simple et facile ; les faits abondent, les chiffres inévitables sont rendus presque attrayans par le commentaire, les opinions théoriques sont dépouillées de toute pédanterie, et, dans un sujet où il est surtout question du sort des hommes qui gagnent à la sueur de leur front le pain de chaque jour, le sentiment moral et charitable ne fait jamais défaut. La conclusion de l’enquête, c’est qu’en France le travail de la houille et du fer est organisé dans des conditions généralement satisfaisantes ; la patronage est exercé avec intelligence dans les grandes usines que M. Louis Reybaud a visitées sur les divers points du territoire, et le sort des ouvriers s’est notablement amélioré. Les grèves qui ont en d’autres temps désolé ces industries n’auraient donc plus de prétextes légitimes ; elles seraient absolument contraires à l’intérêt des ouvriers, et ne serviraient que les desseins de l’insurrection socialiste dont l’Internationale porte le drapeau.