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dans une œuvre où leur concours ne pouvait qu’être un embarras ; mais jusque dans le centre droit bien des hommes n’acceptaient évidemment la république Wallon qu’avec quelque répugnance. Ils ne l’avaient votée qu’en se promettant de la diminuer le plus possible, de la neutraliser par les garanties que la constitution du sénat leur donnerait. A la moindre difficulté, si on leur refusait les garanties dont ils croyaient avoir besoin, ou si l’on voulait leur imposer des combinaisons trop hasardeuses, ils pouvaient se rebuter tout à coup et s’arrêter, ralliant à leurs répugnances tout le parti dont le concours était cependant nécessaire. le gros de l’armée pouvait se rejeter en arrière, entraînant jusqu’à cette jeune avant-garde qui le premier jour avait décidé le mouvement en votant pour la proposition Wallon. C’est là ce qu’il y avait de délicat, d’épineux, dans cette discussion du sénat, d’autant plus que tous les systèmes se trouvaient en présence : sénat électif nommé par le suffrage universel direct, sénat procédant d’une élection à deux degrés ou des conseils-généraux, sénat mixte formé d’hommes d’origines diverses, sénateurs de droit, sénateurs nommés par le gouvernement, sénateurs élus. Politiquement, la vraie question était dans ce que le centre droit pouvait accepter et ce que la gauche pouvait concéder pour la formation d’un sénat sérieux, fortement organisé, capable de jouer son rôle de modération et de pondération en offrant des garanties suffisantes à tous les intérêts conservateurs.

Assurément, avec un peu de bonne volonté, on aurait compris que, dans tous ces systèmes tour à tour défendus ou combattus par tous les partis, il y avait beaucoup à dire. Le sénat par le suffrage universel direct a l’inconvénient de faire procéder de. la même origine deux assemblées qui, pour être des ressorts sérieux de gouvernement, doivent avoir des rôles distincts. L’inconvénient ne peut tout au plus être pallié qu’à demi par des catégories d’éligibles. Un sénat nommé simplement par les conseils-généraux est frappé d’avance d’une sorte de faiblesse constitutive. Il est l’émanation d’un pouvoir trop local, trop restreint, et le plus clair est qu’on risquerait d’avoir un sénat à peu près exclusivement composé de notabilités départementales plus honorables que douées d’autorité politique. Un sénat nommé, ne fût-ce qu’en partie, par le gouvernement, n’a pas toujours l’indépendance nécessaire, l’influence qu’il doit avoir, et aujourd’hui il offrirait ce spectacle assez étrange de sénateurs institués par un pouvoir qu’ils sont chargés de contrôler et au besoin de renouveler, puisque ce serait l’assemblée des deux chambres qui nommerait le président. Rien n’est plus clair, il y a des inconvéniens partout, et nous ne prenons que les plus saillans. Avec un peu plus de réflexion, on aurait compris sans doute que le meilleur système serait encore celui qui consisterait à faire procéder le sénat d’un corps électoral déterminé par département. Un instant, dit-on, M. le maréchal de