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présidens qui pourraient survenir. Avec sa « prudence normande, » M. Bertauld ne voyait pas qu’il offrait tout simplement aux adversaires des lois constitutionnelles et de la république un moyen de maintenir le sceau du régime personnel sur l’organisation qu’on votait. Il s’en est aperçu en voyant des légitimistes s’emparer au plus vite de sa motion. Heureusement tout cela a été assez rapide pour que ce coup de tactique ait échoué ; les adversaires des lois constitutionnelles n’ont pas eu le temps de se reconnaître, et non-seulement la position péniblement conquise a été maintenue, mais encore, au vote de l’ensemble de la loi, telle qu’elle avait été modifiée par la proposition Wallon, la majorité, qui avait commencé par une voix, a fini par devenir une majorité considérable.

Si laborieux, si compliqué que fût le résultat, c’était toujours un résultat ; c’était une question tranchée. Entre les projets de régime personnel proposés par la commission des trente, soutenus par les adversaires de toute organisation sérieuse, et la république constitutionnelle avec la présidence septennale, telle que la définissait la proposition Wallon, l’assemblée avait prononcé. Le mouvement était décidé. Une petite majorité avait donné le signal, une grosse majorité, plus ou moins résignée, avait suivi, et ce jour-là, on a pu le croire, un grand pas avait été fait. Un instant, le succès de l’organisation constitutionnelle a paru assez vraisemblable pour être considéré comme un gage de sécurité publique, pour être le commencement d’une détente dans une situation troublée.

Tout n’était point fini encore cependant ; on était à peine au second acte du drame, et c’eût été une singulière illusion de croire qu’on avait surmonté toutes les difficultés, que les adversaires de l’organisation constitutionnelle se tenaient absolument pour vaincus. Décontenancés, déçus et moroses, ils l’étaient pour sûr. Les uns affectaient une certaine désinvolture ironique ; d’autres, même parmi ceux qui avaient eu l’air de suivre le mouvement ou qui avaient évité de le contrarier, ne déguisaient guère leur mauvaise humeur. Pour tous, le dernier espoir était dans les imprudences ou les fautes qui pouvaient être commises, dans les divisions qui pouvaient éclater ; la suprême chance était d’aider aux divisions et aux fautes ou d’en profiter. Après tout, il y avait encore bien du chemin à parcourir entre la seconde et la troisième lecture de la loi sur les pouvoirs publics, telle que l’avait faite le vote de la proposition Wallon, et le succès définitif dépendait surtout de l’organisation du sénat, qui restait à discuter, qui pouvait réveiller toutes les incompatibilités, toutes les dissensions dans une majorité à peine ébauchée et mal liée. Si les légitimistes, les bonapartistes avaient été seuls à compter sur cette épreuve et à se promettre de profiter de toutes les circonstances, ce n’eût été rien peut-être ou du moins il n’eût point été impossible de déjouer leur opposition et en définitive de se passer d’eux