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Avant l’expiration successive des concessions, des compagnies fermières ou plutôt les compagnies elles-mêmes dont les concessions arriveront à terme offriront, moyennant une rétribution modérée, la continuation de leurs services pour l’exploitation, de sorte qu’il n’y aura à la situation ancienne qu’un seul et unique changement : les recettes se feront au profit du trésor au lieu de se faire au profit des obligataires et des actionnaires, dont les droits auront cessé d’exister.

Il est donc vrai de dire qu’à cette époque l’état se trouvera jouir de revenus considérables, grâce au système des concessions temporaires qui a été adopté pour les chemins de fer en France. Et cependant on a critiqué, on critique encore cette heureuse constitution des grands réseaux français, qui dotera successivement le pays d’un nombre considérable de voies ferrées destinées à faire un jour retour à l’état. Il suffit, pour répondre à ces critiques, d’invoquer deux autorités étrangères considérables : l’enquête devant le parlement anglais et le discours prononcé au parlement belge en 1869 par M. Malou, ministre des finances. Je cite les termes mêmes dans lesquels le ministre rendait un éclatant témoignage à la supériorité du système adopté par la France pour les chemins de fer : « … Les résultats de ce système ont été magnifiques. On se trompe étrangement en croyant qu’une compagnie peut rendre tous les services qu’elle est appelée à procurer au public quand elle est préoccupée du lendemain. Non, l’industrie des chemins de fer doit être prospère pour être utile, pour rendre les services qu’on peut attendre d’elle. C’est ce que la France a admirablement compris ; c’est ainsi qu’elle a organisé son système, c’est ainsi qu’elle marche, comme bonne organisation de cet immense service des transports, à la tête de toutes les nations… On est arrivé en France à placer pour 1 million d’obligations par jour, et cela depuis des années, et ton achève ainsi chaque jour une maille de ce grand travail, qui s’accomplit, j’allais dire sans que la France soit appauvrie ; mais non, la France s’est enrichie dans des proportions énormes, et quand un jour ce réseau ainsi établi, sagement exploité, s’augmentant sans cesse et accroissant la richesse publique, fera retour au domaine public, calculez, si vous le pouvez, quelle fortune la France aura conquise, voyez quelle sera sa situation financière, et calculez aussi quelle sera sa situation politique, quelle sera la force de ce pays[1] ! .. »

  1. Dans un remarquable discours, M. le ministre des travaux publics de Belgique a soutenu récemment la même opinion que le ministre des finances, et signalé avec une grande autorité le préjudice considérable dont a souffert la Belgique par la création de lignes parallèles non nécessaires, système dangereux dans lequel la France ne se laissera pas entraîner, je l’espère.