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deux ou trois exceptions près, sont morts dans les wagons sous les atteintes des pestes de l’Inde : fièvres, dyssenterie, choléra.

On a vu que les bénéfices nets des chemins de fer anglo-indiens pour l’exercice 1871-72 s’étaient élevés à 71 millions de francs, — 3 1/2 pour 100 environ du capital employé par les compagnies (un peu plus de 2 milliards). Pour remplir ses engagemens envers les actionnaires et leur compléter un intérêt de 5 pour 100, le gouvernement de l’Inde a donc à fournir une somme d’environ 30 millions. On ne peut se dissimuler que c’est là un lourd fardeau pour le budget colonial, qu’en un mot les grands travaux publics n’ont pas justifié toutes les espérances qui avaient salué leurs débuts. Il faut ajouter cependant que des circonstances exceptionnelles et contraires ont pesé en 1871-72 sur le trafic de l’East Indian, la plus active et la plus étendue des lignes indiennes. De plus, sur ces artères de création récente, le mouvement des voyageurs et des marchandises est loin d’avoir acquis tout le développement dont il est susceptible. On trouve en effet que, sur les premières lignes ouvertes, la moyenne des recettes de cinq ans en cinq ans augmente dans des proportions considérables. Ces statistiques dissipent en partie les sombres nuages qui entourent l’avenir des chemins de fer indiens.

Quant au système des compagnies garanties par l’état, on ne saurait nier que l’expérience n’ait donné des argumens puissans à ceux qui lui sont hostiles. Sur plusieurs lignes, les frais d’exploitation ont dépassé de beaucoup les recettes. Les états-majors, sans inquiétude pour le dividende, n’apportent pas dans leur administration l’activité et l’économie qui seules font la fortune des grandes entreprises ; enfin souvent l’intérêt public est sacrifié à celui des compagnies sans que le gouvernement puisse défendre vigoureusement la cause de la justice. Ces faits acquis ont jeté depuis longtemps dans l’Inde une grande impopularité sur le système des compagnies garanties, et dès 1862 le gouverneur-général, lord Elgin, avait résolu d’en finir avec ce système pour les lignes de nouvelle création, qui ont depuis été exclusivement construites et exploitées par l’état. L’idée même de la dépossession des anciennes compagnies au profit du gouvernement a trouvé dans l’Inde de nombreux défenseurs, qui ont d’ailleurs pu s’autoriser d’une clause des contrats par laquelle le gouvernement s’est réservé le droit de racheter les lignes concédées après vingt-cinq années d’exploitation. L’affaire ne rencontrerait pas sans doute de grandes difficultés, et le crédit du gouvernement de l’Inde trouverait d’autant plus facilement un emprunt de 2 milliards, qu’il ne s’agirait après tout que d’opérer une simple conversion.

Sans préjuger de l’avenir des chemins de fer indiens, contentons--