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pourrais-tu le tenir à cause de la force de son excellent contenu ? »

Setna insiste et propose de jouer le livre en une partie composée de cinquante-deux points[1]. On joue. Ptahneferka triche et est néanmoins battu. Le prince s’empare du livre, il va sortir du tombeau et reprendre la forme qu’il avait sur la terre.

Setna appelle alors son frère, qui était auprès de lui. « Ne tarde pas, lui dit-il, va sur la terre, tu raconteras au roi tout ce qui s’est passé ; apporte les talismans de Ptah appartenant à mon père et mes livres magiques. » Le frère du prince alla sur la terre et raconta tout. Le roi lui dit de prendre les talismans de Ptah et les livres magiques ; il redescendit dans le tombeau et appliqua les talismans au corps de Setna. Le prince, muni du livre de Thoth, sortit du tombeau, et la lumière marcha devant lui, et l’obscurité marcha derrière lui. Ahura pleura après lui, disant : « Gloire à toi, roi de l’humanité ! gloire à toi, roi de la lumière ! .. » Ptahneferka dit à Ahura : « Que ton cœur ne soit pas triste ! Je ferai qu’il rapporte ce livre : un couteau et un bâton seront dans sa main, et un brasier de feu sur sa tête. » Setna alla devant le roi ; il lui raconta qu’il possédait le livre. Le roi dit : « Ce livre est pris du tombeau de Ptahneferka ; sois un homme prudent. Il sera un couteau et un bâton dans ta main, un brasier de feu sur ta tête. » Setna l’entendit, mais ce n’était nullement le dessein de Setna de se séparer du livre ; il le lisait en présence de tout le monde.

Un jour que Setna se promenait devant le temple de Ptah, il aperçut une très belle femme : il y avait beaucoup d’or sur elle, et cinquante-deux jeunes filles marchaient derrière elle. Dès l’heure que Setna la vit, il ne sut plus l’endroit du monde où il se trouvait. Il appela son jeune serviteur. « Va, cherche à savoir qui est cette femme. » Le jeune serviteur appela la jeune servante qui marchait derrière la femme. « Qui est cette femme ? demanda-t-il. — C’est Tabubu, la fille du prêtre de la déesse Bast, la dame du quartier Anch-ta (de Memphis), qui entre au temple pour faire sa prière devant Ptah, le grand dieu. » Le jeune page retourna vers Setna, lui rapporta tout ce qu’il avait appris. « Va dire à cette fille : C’est Setna-Chamus, le fils du roi Usermât, qui m’envoie, disant : « Je te donnerai dix pièces d’argent pour que je passe une heure avec toi ; sinon, on t’avertit qu’on usera de violence. » Le jeune page retourna, appela la jeune servante et causa avec elle. Elle parut confuse de ses paroles, comme si c’était honteux, ce qu’il avait dit. Mais Tabubu s’adressant au jeune homme : « Cesse de parler à cette sotte fille. Viens

  1. On jouait dans l’Amenti des Égyptiens. Voyez les vignettes de quelques exemplaires du Livre des morts au chapitre XVII ; cf. Herod., t. II, 122.