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En 1873, environ 7,600 enfans ont fréquenté le seul logis des News-boys, qui était alors à la place de l’Hôtel-de-Ville. Les dépenses totales ont dépassé 80,000 fr., dont plus du quart (22,000 fr.) a été payé par les enfans ; en outre près de 1,240 d’entre eux ont usé de la caisse d’épargne et économisé ensemble une somme de 12,000 francs.

La règle de la maison, à la fois paternelle et stricte, inspire à tous l’ordre, l’économie, les habitudes morales ; elle exige de chacun la ponctualité, la soumission à la discipline, la propreté, un langage honnête. Chaque enfant doit se laver tous les jours ; on donne des vêtemens, des souliers, à ceux qui n’en ont point. L’hygiène du corps et celle de l’âme, sévèrement observées, conduisent peu à peu ces petits pensionnaires de la dissipation au calme, de la paresse au travail, et ils s’habituent à respecter les autres en commençant par se respecter eux-mêmes. Les méchans tours, les actes d’indiscipline, presque quotidiens au début, sont devenus très rares. La seule chose qu’on n’ait pu jusqu’ici obtenir des enfans, c’est une certaine régularité à fréquenter le même logis. La moyenne ne s’y présente pas plus de huit ou dix fois de suite ; puis ils ne reviennent plus, vont ailleurs pour quelque temps. Quelquefois un logis est comblé, d’autres fois il se vide tout à coup, à des époques indéterminées, sans raison apparente, sans qu’il semble y avoir encore la moindre cause à cet inexplicable phénomène. Bien que les logis ne soient institués que pour les enfans sans abri, des parens, des amis, viennent parfois y réclamer un locataire de passage. C’est un enfant qu’on a perdu ou qui s’est enfui. On s’empresse de le leur rendre, et ceux-ci sont tout étonnés de le trouver si amélioré pour peu qu’il ait fréquenté quelques jours le lodging. Le seul logis des News-boys a ainsi restitué en 1873 près de 640 enfans.

Il est à noter qu’aucune épidémie n’a jamais éclaté dans ces logis depuis vingt ans qu’ils sont ouverts. Néanmoins les cas de maladie ont été prévus, et récemment un fonds spécial a été créé dans ce dessein pour venir en aide à tous les enfans des rues et même à leur famille. Les médecins tiennent à honneur de donner leurs soins gratuitement ; des inspecteurs sont chargés de veiller à ce service spécial, ils connaissent bien les pauvres à secourir, et ceux-ci perdraient leur temps à vouloir les duper, comme cela arrive si souvent quand il s’agit de secours fournis par la municipalité.

Le jour où nous visitions le logis de Chambers-street, deux grands garçons venaient d’y être amenés par la police. C’étaient deux jeunes maraudeurs des quais de Londres qui s’étaient cachés à fond de cale d’un navire en partance, et qui, découverts en mer, avaient été débarqués en arrivant à New-York. Le capitaine les avait remis