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dire la seule, était la magie. Le roi hyksos consulte les sages et les hiérogrammates sur ses rêves, ainsi que le pharaon du conte des Deux Frères sur la boucle de cheveux ravie par le Nil à la femme de Bataou. Un devin devait tout savoir, il devait aussi tout pouvoir. On accordait à ses invocations et incantations la vertu de rendre la santé aux malades, c’est-à-dire de chasser les démons. Une stèle provenant de Thèbes, conservée à la Bibliothèque nationale, traduite et commentée par M. Birch et par M. de Rougé, raconte une curieuse histoire d’exorcisme. Un prince asiatique de Bachtan, dont Ramsès XII avait épousé la fille vers le milieu du XIIe siècle, implore du pharaon un devin d’Égypte pour guérir la jeune sœur de la reine. Le pharaon était occupé à chanter dans un temple les louanges de son père Amoun-Ra, quand on lui annonça l’envoyé asiatique. « Je viens vers toi, roi suprême, ô mon seigneur ! pour Bint-Reschit, la jeune sœur de la reine Neferou-Ra. Un mal a pénétré en elle ; que ta majesté veuille envoyer un homme connaissant la science pour l’examiner. » Le roi dit alors : « Qu’on fasse venir le collège des hiérogrammates, les docteurs des mystères. » L’un d’eux partit pour Bachtan ; il trouva Bint-Reschit possédée d’un esprit, mais il se reconnut impuissant à l’expulser. Au bout de onze ans, nouvelle ambassade du prince de Mésopotamie ; c’est un dieu qui cette fois est demandé pour combattre l’esprit. Ramsès se présenta devant le dieu Chons : « Mon bon seigneur, je reviens pour t’implorer en faveur de la fille du prince de Bachtan. » Le dieu à tête d’épervier, coiffé du disque lunaire, partit dans son grand naos, escorté d’hommes de guerre à cheval. Le voyage dura un an et cinq mois. « Voici que le dieu vint à la demeure de Bint-Reschit, dit la stèle ; lui ayant communiqué sa vertu, elle fut soulagée à l’instant. L’esprit qui demeurait en elle dit en présence de Chons : « Sois le bienvenu, grand dieu qui expulses les rebelles… Je suis ton esclave… Je m’en retournerai vers les lieux d’où je suis venu… Que ta majesté veuille ordonner qu’une fête soit célébrée en mon honneur par le prince de Bachtan. » Le dieu Chons daigna dire à son prophète : « Il faut que le prince de Bachtan apporte une riche offrande à cet esprit. » Des présens furent offerts à l’esprit par le père de la princesse, après quoi l’esprit s’en alla paisiblement où il voulut ; mais le roi se dit bientôt tout bas : « Il faudrait que ce dieu Chons pût rester à Bachtan ; je ne le laisserai point retourner en Égypte. » Le dieu était depuis trois ans et neuf mois en Mésopotamie lorsque le prince, reposant sur son lit, eut un songe : il vit Chons quitter son naos, et, sous la forme d’un épervier d’or, prendre son vol vers l’Égypte. A son réveil, il fut pris d’un mal subit ; il dit alors au prêtre de Chons : « Le dieu veut nous quitter, retourner en Égypte ;