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des travaux de construction ou de culture à faire exécuter, on est sûr en Égypte de rencontrer un intendant appuyé sur un bâton ou accroupi, une feuille de papyrus à la main, la tablette de scribe sous le bras.

Le nom de Potiphar ou Pitiphra, « don du soleil, » était vulgaire en ce pays ; ce personnage paraît avoir été chargé de la police du palais, et partant des exécutions capitales, ainsi qu’il arrive en Orient. Les conteurs d’Éphraïm, plus familiarisés avec les mœurs de la cour d’Assyrie qu’avec celles de la cour d’Égypte, ont fait des « eunuques » de tous les hauts fonctionnaires qui approchent de la personne royale, du chef des gardes comme du maître échanson et du maître panetier. A l’instar des monarques de Babylone, les rois de Juda et d’Israël avaient aussi des eunuques à leur cour ; c’étaient parfois des chambellans, des commandans militaires, qui, comme ceux des bas-reliefs assyriens, se tenaient aux côtés du roi, à cheval ou sur des chars de guerre, aux cérémonies religieuses ou dans les combats ; mais ici, en Égypte, hébraïsans et égyptologues reconnaissent que le nom « d’eunuque » ne désigne qu’un grand-officier du palais. Sur une stèle égyptienne du Louvre, on lit des titres équivalens à ceux qui, en hébreu, sont donnés à ces fonctionnaires. Le chef des boulangers y figure à côté du chef des échansons. Bien que les simples particuliers, comme les pharaons, eussent de véritables harems, les monumens ne parlent point d’eunuques. Nous ne pouvons voir, avec M. Ebers, des êtres de cette espèce dans un tombeau de Beni-Hassan. Avec le papyrus judiciaire de Turin, si bien étudié par M. Théodule Deveria, et les bas-reliefs du palais de Medinet-Abou, qu’habitait ordinairement Ramsès III, premier roi de la vingtième dynastie, on peut très bien se représenter le harem d’un pharaon : de jeunes filles nues, des fleurs dans les cheveux, agitent des chasse-mouches ou présentent des fruits au roi. Ramsès, l’urœus au front, la poitrine et les bras chargés de bracelets, a de longues sandales asiatiques à pointe relevée ; il est assis et paraît d’une taille et d’une beauté surhumaines. Ici, il passe son bras gauche au cou d’une jeune fille, lui caresse le menton, lui présente des fruits ; là il pousse les pions sur un échiquier, et la femme au corps svelte et pur qui joue avec lui, debout et sans voile, fait respirer à son seigneur le parfum d’une fleur. Cette scène a fourni à la verve satirique d’un scribe le sujet d’une excellente caricature contenue dans un papyrus du British Museum : le roi y est figuré en lion, les femmes du harem en gazelles ; un troupeau d’oies, conduit par des chiens et des chats, désigne clairement les nombreux enfans du pharaon, les eunuques, les précepteurs. Un, échiquier, sur une table basse, est entre le lion et la gazelle assis