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sculpteurs de son époque, à moins qu’on ne veuille reconnaître son intervention dans les commandes faites par la république, par certaines églises, ou même par certaines familles, ce qui est possible, car son influence s’étendait partout et à tout, et l’on ne résistait guère à ses conseils. Ce qui est certain, c’est que son nom ne figure nulle part à côté des noms de Luca délia Robbia, de Desiderio da Settignano, de Mino da Fiesole. Les œuvres si gracieuses et si pures de ces maitres furent suscitées par la piété ou la munificence des simples citoyens ; elles n’ont rien de commun avec le protectorat officiel ou privé de Laurent.

Laurent s’intéressait cependant à toutes les manifestations de l’art. Les graveurs de médailles ne le trouvèrent pas indifférent, et il eut ce mérite de ressusciter pour ainsi dire l’art des camées et des intailles. Grâce aux collections du palais des Médicis, les artistes purent étudier les délicates merveilles que l’antiquité avait produites en ce genre, et souvent ils atteignirent à une telle perfection que leurs créations et leurs copies sont difficiles à distinguer des pièces véritablement antiques. A la tête des plus célèbres sculpteurs de camées et de gemmes, il convient de placer Giovanni delle Corniole, l’auteur du fameux portrait de Savonarole, et le Milanais Domenico de’ Cammei, à qui l’on attribue dans le musée des Offices les portraits de Louis le More et de Laurent le Magnifique, ainsi qu’une onyx sur laquelle on voit un taureau conduit au sacrifice par trois hommes d’une surprenante beauté. C’est pour Laurent que ce dernier camée avait été exécuté. A la même école se formèrent Valerio Vicentino, qui n’avait que vingt-quatre ans lorsque mourut Laurent, et une foule d’autres artistes dont Vasari nous a conservé les noms. Parmi les graveurs de médailles, il faut mentionner avant tous les autres, outre Pollaiuolo, Pietro di Niccolò, à qui nous devons la médaille de Laurent de Médicis.

Dans le domaine de la peinture, Laurent nous apparaît aussi comme un Mécène plein de zèle quoique moins bien inspiré. Antonio Pollaiuolo peignit pour lui Hercule étouffant Antée, Hercule terrassant un lion et Hercule tuant l’hydre de Lerne, tableaux où la tension des muscles était merveilleusement rendue. Sandro Botticelli, dit Vasari, orna de plusieurs tableaux le palais des Médicis, et il cite avec éloge une Minerve et un saint Sébastien, aujourd’hui perdus. C’est également au pinceau de Botticelli que furent demandés le portrait de Lucrezia Tornabuoni, mère de Laurent, et celui de la belle Simonetta, maîtresse de Julien de Médicis. Laurent apprécia aussi le talent de Filippino Lippi. Il reporta sur le fils de Filippo Lippi une partie de la bienveillance que Côme avait témoignée au moine aventureux. Filippino dut au patronage de Laurent