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impulsion aux études de la jeunesse en rétablissant l’université de Pise, université qui avait été supprimée après l’assujettissement de cette ville ; enfin à Florence même il eut la gloire de retenir les plus illustres professeurs, tels que Démétrius Chalchondyle et Lascaris, que l’on venait entendre de toutes les parties de l’Europe.

La passion pour les livres et pour les études philologiques trouva alors un précieux et puissant auxiliaire dans la propagation de l’imprimerie, récemment inventée. C’est à Subiaco (1465) que l’heureuse découverte commença à recevoir son application en Italie. Rome et plusieurs autres villes s’empressèrent d’adopter le nouveau procédé. Si Florence ne se l’appropria pas tout d’abord, puisque le premier ouvrage qu’on y imprima est le commentaire de Servius sur les Bucoliques de Virgile (1471), c’est du moins chez elle que furent taillés et fondus les premiers caractères italiens. Elle les dut à l’orfèvre Bernardo Cennini, connu d’ailleurs pour avoir travaillé sous la direction de Lorenzo Ghiberti à la dernière porte du Baptistère et pour avoir coopéré au fameux parement d’autel du temple de Saint-Jean. Bernardo Cennini fut aidé par ses deux fils Domenico et Pietro. Avec un légitime orgueil, il inséra ces mots dans le titre du livre qu’il venait d’imprimer : Florentinis ingeniis nil ardui est. Malheureusement son invention ne lui procura que de la gloire. La générosité de Laurent ne s’étendit pas jusqu’à lui. Après un labeur de seize mois, il fut réduit à engager sa maison et forcé de revenir à ses anciens travaux. À partir de cette époque, l’activité des typographes ne se ralentit pas, et pourtant les manuscrits continuèrent à être aussi recherchés qu’auparavant. Quand on ne craignait pas la dépense, on les préférait aux livres imprimés. Quoi de plus agréable à l’œil en effet que la finesse et le poli du parchemin, la délicatesse des miniatures, la variété des arabesques ? Dans ses écrits, Vespasiano da Bisticci, le principal représentant du commerce des livres en Italie, ne mentionne qu’une fois l’imprimerie, et pourtant il mourut en 1497. Parlant de la bibliothèque du duc d’Urbin, bibliothèque qu’il avait en partie composée, il s’écrie avec orgueil : « Elle ne contient aucun livre imprimé ; le duc en aurait rougi ! »


IV

On vient de voir quel intelligent et fécond patronage le chef de la famille des Médicis exerça sur la littérature, la philosophie et l’érudition à la fin du XVe siècle. L’influence de Laurent sur les arts du dessin a-t-elle été aussi heureuse ? Quels chefs-d’œuvre a-t-il suscités ? En un mot, quelle est la responsabilité de Laurent devant l’histoire au point de vue esthétique ?