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des petits états du voisinage un boulevard pour la capitale de la Toscane. Il atteignit ce but en établissant avec eux des rapports d’amitié ou de protection, en maintenant parmi eux la bonne intelligence. Ses relations avec Sienne, Lucques, Bologne, Faënza, Pérouse, Città di Castello et bien d’autres villes dénotent presque toujours un véritable esprit de conciliation. « Florence, leur écrivait-il, est touchée de vos périls comme elle le serait des siens ; mais souvenez-vous que la meilleure sauvegarde consiste dans un sage et juste gouvernement, dans la concorde entre les citoyens. » Sauf quelques déviations passagères, par exemple à l’égard de Piombino, de Sienne et de Lucques, il demeura fidèle à cette ligne de conduite. — Quant aux grandes puissances italiennes, sa pensée dominante fut de les contre-balancer les unes par les autres, et de n’en laisser aucune prendre trop d’accroissement. Ce système de bascule n’était pas toujours d’une application facile, et ne pouvait être suivi que par un esprit sans cesse en éveil ; il exigeait beaucoup de finesse, beaucoup de suite dans les idées, souvent beaucoup de condescendance, parfois une fermeté inébranlable. Laurent avait toutes ces qualités ; il savait d’ailleurs à quoi s’en tenir sur le compte de ses alliés aussi bien que sur le compte de ses ennemis. Les protestations d’amitié de Ferdinand et surtout de Louis le More ne le trompaient point. Il eut mille occasions d’apprécier ce que valaient les belles paroles de ces personnages, et plus d’une fois il les paya de la même monnaie. On doit pourtant reconnaître qu’il avait en général plus de droiture que les autres princes de l’Italie, non par délicatesse de conscience, mais par habileté. C’est cette droiture relative qui lui donna tant d’influence sur les affaires de la péninsule. Son crédit cependant avait pour cause principale les services qu’il avait rendus aux amis de la paix et ses constans efforts pour prévenir de nouvelles guerres.

Quand M. de Reumont indique non-seulement les lignes générales du système politique adopté par le petit-fils de Côme, mais les applications multiples de ce système, il ne fait guère que répéter avec plus de détails ce qu’on sait déjà. Toutefois il y a deux épisodes sur lesquels l’historien de Laurent donne des l’enseignement nouveaux, et où il montre quelle liberté de paroles le chef de la famille des Médicis croyait pouvoir se permettre à l’égard d’Innocent VIII. Laurent résolut d’abord de marier Maddalena, sa troisième fille, à un neveu du saint-père, Franceschetto Cibo, quoique le caractère et les talens de ce personnage lui inspirassent une médiocre estime. L’alliance une fois accomplie (1488), il ne cessa d’insister pour que le souverain pontife accrût la position de Franceschetto. Il invoqua tour à tour la bonté naturelle du pape et