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gouvernement du khédive n’eût pas admis facilement que l’on créât sur son territoire un tribunal spécial, indépendant, non prévu par les capitulations, et les cabinets européens auraient eu mauvaise grâce à lui demander un abandon aussi complet de sa prérogative, alors qu’il sollicitait au contraire leurs conseils pour établir en Égypte, dans l’intérêt de ses sujets comme au profit des étrangers, un nouveau régime judiciaire entouré de toutes les garanties que l’on pouvait imaginer. La discussion se trouvait ainsi renfermée dans le système du tribunal mixte, qui avait été déjà étudié par la commission française de 1867.

Il est superflu de reproduire les débats qui s’engagèrent au sein de la conférence du Caire sur cette question capitale, car après de longues explications, provoquées surtout par les délégués français, l’unanimité s’établit sur la nécessité de soumettre à un tribunal unique aussi bien les contestations élevées entre étrangers et indigènes. que les contestations nées entre étrangers de nationalités différentes. Avec la même unanimité, la conférence reconnut que l’exécution des sentences devait être confiée à ce tribunal unique, sans qu’aucun pouvoir administratif, consulaire ou local pût y mettre obstacle. De plus, après avoir réglé, dans les conditions les plus favorables pour l’intérêt européen, la composition du tribunal, l’institution du jury et les détails de la procédure, elle avait conclu à ce que la réforme s’étendît à la juridiction criminelle et correctionnelle, sous la réserve que le nouveau code pénal égyptien serait approuvé par les différens cabinets, et que cette portion si importante de la réforme pourrait n’être mise en vigueur qu’un an après l’établissement de la juridiction civile et commerciale. Ce qu’il importe de constater, au point de vue de la France, c’est que dans tout le cours de ce débat nos délégués se montrèrent les plus défians, les plus exigeans, les plus soucieux d’obtenir des garanties, et qu’ils durent se laisser convaincre non-seulement par l’empressement avec lequel Nubar-Pacha donnait satisfaction à leurs demandes, mais encore par le sentiment unanime de leurs collègues d’Angleterre, d’Italie, de Russie, etc., qui n’étaient pas moins désireux de protéger contre les périls éventuels de la réforme l’intérêt de leurs nationaux.

La commission du Caire n’était qu’une commission d’étude, elle ne pouvait engager les gouvernemens qui s’y étaient fait représenter et qui avaient réservé leur décision ; mais ses avis, rendus à l’unanimité, avaient une portée considérable, et le khédive, après avoir obtenu l’assentiment nécessaire de la Porte, ne manqua pas de se prévaloir des conclusions de la conférence internationale pour traiter définitivement avec les différens cabinets. Avant de répondre à ces dernières propositions, le gouvernement français crut devoir les soumettre à l’examen d’une seconde commission de diplomates et