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des mœurs pouvaient leur créer chaque jour de graves embarras. Les Français qui voulaient s’établir dans le Levant étaient tenus de solliciter l’autorisation du gouvernement et de fournir la caution d’une, maison de Marseille. Les simples voyageurs étaient soumis à la caution. Ce fut seulement en 1835 que ces formalités, qui sans doute étaient tombées en désuétude, furent légalement supprimées ; elles n’en marquent pas moins le caractère des relations qui existaient entre l’Europe et la Turquie. On avait reconnu les antipathies qui séparent les deux races, la difficulté d’arriver à une fusion et la nécessité de créer, pour l’œuvre de la justice comme pour le reste, un régime qui s’écartait des règles ordinaires du droit international.

Ce régime exceptionnel était appliqué en Égypte, dépendance de l’empire ottoman, il y était même appliqué avec une rigueur particulière. Les Francs y habitaient un seul immeuble appelé Fondique, que la police venait fermer chaque soir et rouvrir chaque matin. Ce fut dans ce Fondique que le général Bonaparte prit sa résidence lorsqu’il vint à Alexandrie. Les étrangers ne communiquaient avec les indigènes que pour les affaires du commerce, ainsi que cela s’est pratiqué plus longtemps au Japon. La liberté du domicile ne leur fut accordée que sous Méhémet-Ali. Jusque-là d’ailleurs elle intéressait un bien petit nombre d’étrangers, car en 1821 il n’existait en Égypte, à côté du consul, qu’une seule maison de commerce française.

Méhémet-Ali ouvrit l’Égypte aux Européens. L’hospitalité qu’il accorda aux immigrans occidentaux devait servir sa politique et lui procurer des alliés dans la lutte qu’il soutint contre Constantinople. Il demanda à l’Europe, et particulièrement à la France, des officiers et des ingénieurs, il fit venir des manufacturiers, encouragea les négocians, accueillit les saint-simoniens et les exilés politiques, et, à l’aide de ces élémens un peu confus, il essaya, comme on le disait alors, la régénération de l’Égypte. Peut-être a-t-on exagéré la pensée civilisatrice de l’habile pacha et vanté outre-mesure le résultat de ses importations européennes. Dans les dernières années de son règne, alors que son ambition était pleinement satisfaite du côté de la Turquie, on vit s’attiédir sensiblement sa passion première pour les idées de l’Occident. Quoi qu’il en soit, le signal de l’immigration avait été donné, d’importans comptoirs commerciaux s’étaient fondés à Alexandrie, et le chiffre de la population européenne, attirée d’abord par la construction des chemins de fer, puis par le creusement du canal de Suez, s’accrut, chaque année sous les règnes des successeurs de Méhémet-Ali ; elle dépasse aujourd’hui 100,000 âmes. Évidemment cette affluence considérable