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Il est construit partie en briques rouges, qui forment la masse du monument, partie en pierre de taille blanche, qui se détache en longues chaînes sur les murs, et en élégans voussoirs sur les cintres des baies. L’édifice est éclairé au gaz et chauffé à la vapeur. La salle des chaudières, des machines, la buanderie, le séchoir, les cuisines, la salle de bains, — où tout a été disposé en vue d’un traitement spécial, douches, bains de vapeur ou d’air chaud, — méritent d’être visités. L’établissement a coûté plus de 4 millions de francs ; mais on peut dire qu’il est complet, et que c’est un modèle en son genre, car aucun perfectionnement n’y manque.

Il est à remarquer que le chiffre des fous va en augmentant depuis plusieurs années à New-York. Diverses raisons, faciles à deviner, donnent la clé de ce phénomène : l’accroissement de population, l’afflux toujours plus considérable des immigrans, l’abus de plus en plus grand des liqueurs fortes, l’âpre poursuite du gain sur cette place agitée et fiévreuse. Il y a aujourd’hui 2,500 patiens en traitement, hommes ou femmes, dans les divers hospices de fous de la ville. Les femmes, depuis trois ans, ont été soigneusement séparées des hommes ; c’est une des règles du traitement. Elles sont restées dans l’île de Blackwell, où est le primitif hospice des insensés. Sur le chiffre total des patiens admis, le nombre des femmes, surtout de nationalité étrangère, est beaucoup plus grand que celui des hommes. Ce lot défavorable du sexe faible s’explique, comme on comprend aussi que la mort fauche avec une sorte de persistance au milieu de tout hôpital de fous. Sur le nombre de ceux qui sortent, il faut inscrire pour une bonne part ceux qui meurent, les seuls qui sont sûrs de ne pas revenir de nouveau dans l’asile et d’être guéris pour toujours.

Le board d’émigration, distinct du département de charité et de correction, a établi dans l’île de Ward, à proximité de l’hospice des insensés, une sorte de refuge pour les émigrans pauvres dénués de toute ressource, un hôpital pour les malades, un asile pour les enfans ; il y a installé aussi quelques salles pour les aliénés, hommes ou femmes, car un bon nombre d’émigrans d’Europe arrivent dans ce malheureux état. Nous avons visité ce nouvel établissement en compagnie des principaux membres du board, qui ce jour-là faisaient leur inspection mensuelle. La réunion était au complet, et les présidens des associations irlandaise et germanique marchaient en tête. Une foule d’invités les suivaient, auxquels on nous pria poliment de nous joindre. Rien ne manquait à la fête, pas même le lunch sacramentel, accompagné des speeches et des toasts de rigueur. Ce fut en sortant de table qu’on visita l’asile des aliénés. Les hommes, dont je venais une heure auparavant de voir un si grand nombre, ne m’y offrirent rien de particulier. Parmi les femmes, il