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Arts, la disproportion des mains et des pieds, l’extrême audace de certains raccourcis, choses qu’exigeaient les surfaces courbes que les peintures devaient occuper, ces prétendus défauts ont disparu quand les panneaux ont été en place. Malheureusement combien aussi d’adorables contours, de ravissantes expressions, de finesses de tons, sont perdus à cette hauteur ! On distingue à peine les grandes masses ; tous les détails échappent. La peinture peut être vue à neuf mètres, comme les loges de Raphaël, à douze mètres même, comme le plafond de la Sixtine ; mais à dix-huit mètres on ne devrait placer que de la mosaïque ou de larges décorations. De plus, aux angles du foyer, les énormes amours en ronde bosse et les lourds reliefs des compartimens cachent plusieurs figures. Enfin les ors blancs trop brillans des ornemens en saillie atténuent l’éclat du coloris. On parle déjà de retirer les peintures de Baudry, qu’on copierait en mosaïque pour le foyer, et de les placer dans quelque musée ou dans quelque monument public. Cette idée vaut qu’on y songe, car il est inadmissible qu’une des œuvres les plus importantes de ce temps soit ainsi sacrifiée.

III


Les deux salons octogones qui, prolongeant la perspective, s’ouvrent aux deux extrémités du foyer, sont décorés de trois grands tympans et d’un plafond ovale. M. Félix Barrias a peint le salon de droite, et c’est M. Delaunay qui a été chargé de la décoration du salon opposé.

Les tympans de M. Barrias personnifient la Musique dramatique, la Musique amoureuse, la Musique champêtre, le plafond représente les Dieux de l’Olympe. Appuyé contre un sarcophage de marbre blanc, Apollon tient de la main gauche la lyre en écaille de tortue. De la main droite étendue, il semble déchaîner les cris et les gémissemens de la musique dramatique. Un vent furieux qui s’engouffre dans les plis de la chlamyde du dieu fouette ses cheveux, les ramène en avant, et le coiffe ainsi comme un dandy de 1825. C’est un Apollon grelottant. À gauche, deux femmes demi-nues, gracieusement enlacées, volent vers le dieu. Le premier plan est occupé par une source couverte d’ajoncs et de nénufars, d’où sort une naïade, le buste entier hors de l’eau. C’est une heureuse création que ce joli type de jeune fille dont les formes, encore indécises, s’accentuent déjà. La figure, d’un dessin élégant, est bien modelée, et la couleur est agréable, quoiqu’un peu terne. De l’autre côté de la composition se groupent deux pleureuses antiques, le teint hâve, les yeux rougis, les traits tirés. Les raccourcis des bras sont mal