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et des jaunes, des bleus et des orangés, se fondent et s’allient dans une claire harmonie aussi vive qu’originale.

Les amours, ou à mieux dire les génies enfans des dix médaillons ovales qui surmontent les grandes baies du foyer, personnifient la musique instrumentale chez tous les peuples. C’est un musée tout autrement complet que la collection du Conservatoire, qui contient pourtant, comme chacun sait, un luth du temps de Henri IV et la harpe de la princesse de Lamballe. Voici les Grecs avec leurs lyres tétracordes, hexacordes et heptacordes, leurs tympanons à grelots, leurs syrinx formées de sept tiges de roseaux, et leurs doubles flûtes, mariage de la flûte mâle et de la flûte femelle ; voici les Romains avec leurs cornus de bronze, leurs longues tubas « aux sons éclatans et brisés, » dit Virgile, leurs buccines rustiques tordues en spirales. Les Perses, les Égyptiens, les barbares, choquent les cymbales, agitent les sistres et sonnent de la trompette. L’Angleterre a les harpes de ses bardes et les cornemuses de ses highlanders ; la blonde Germanie se prépare dans les religieuses harmonies de l’orgue et du théorbe aux massacres et aux pillages « que Dieu bénit ; » l’Italie saute ses tarentelles et tourne ses farandoles au son des violons et des tamburellos ; l’Espagne danse ses cachuchas au bruit des castagnettes et des tambours de basque, et accompagne sur les mandolines ses sérénades amoureuses. L’âme de la France chante l’hymne des lointaines revanches dans les clairons de ses soldats et dans les fifres stridens de ses enfans de troupe.

On a dit que nul n’a peint les enfans aussi bien que Victor Hugo. On en pourrait dire autant de M. Baudry. Les génies adolescens qui peuplent ses médaillons sont adorables et tout à fait personnels. Ils ne rappellent ni les amours aux formes pleines de Raphaël, ni les amours aux contours ondoyans et aux chaudes carnations du Corrège, encore moins les amours joufflus et potelés de Boucher. Peints dans une tonalité nacrée et lumineuse, les enfans de Baudry réalisent un type androgyne où s’allient les contours qui commencent à s’arrondir de la jeune fille et la svelte silhouette des éphèbes. Ils sont ainsi d’une élégance et d’une grâce incomparables. On ne saurait exprimer par des mots la candeur, l’éclat, le charme de leurs bouches souriantes et de leurs grands yeux bleus étonnés.

C’est la volonté particulière dans le type qui accuse l’originalité incontestable de Paul Baudry. Ces types, cherchés et trouves, qui sont bien à lui, on sent qu’il les a mûris et caressés de longues années, qu’il leur a rarement été infidèle. Dans les figures de femmes, Baudry réalise le type divin de la grâce et de la force des Cybèles et des Èves. Il veut que la femme, qui est l’amante, mais