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LES


PEINTURES DU NOUVEL OPÉRA


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Il est deux manières d’entendre et de traiter la grande peinture décorative. Les fresques de Michel-Ange, de Raphaël, d’André del Sarto, la Cène de Léonard de Vinci, les décorations d’Ingres, de Paul Delaroche, de Flandrin, de Cornélius, d’Overbeck, de Kaulbach, de Puvis de Chavannes, caractérisent l’une. Maîtres et disciples, astres et satellites, ces peintres, tout en conservant leur personnalité, qui s’accuse dans la force ou dans la grâce, dans le mouvement ou dans le calme, dans la largeur ou dans la sécheresse de l’exécution, dans l’harmonie ou dans la froideur du coloris, obéissent aux mêmes principes : la belle et simple ordonnance de la composition, la grandeur et la beauté des types, la noblesse des attitudes, la couleur pâle se tenant discrètement dans l’harmonie sans viser à la vivacité, les tons mats qui n’ont point d’éclat dans les clairs et qui se dégradent avec un art infini dans le clair-obscur, le dédain absolu de l’effet. Véronèse, Rubens, Delacroix, sont les chefs de l’école opposée, Là est le triomphe de l’effet, la joie des yeux. Les figures, d’un beau style et d’une allure fière et mouvementée, se meuvent, s’agitent, s’élèvent, fuient ou se rapprochent dans une atmosphère lumineuse. Les rouges vifs, les verts mordorés, les blancs ambrés ou argentins, la riche gamme des carnations ; les jaunes citrins et orangés, les bleus foncés à reflets d’améthyste, les bleus clairs, lointains et vaporeux, les bruns feuille-morte, les roses glacés d’or, les pourpres et les cramoisis éclatent en larges taches avec une magique et souveraine harmonie. À côté de ces deux grandes écoles, les peintres mantouans, les peintres bolonais et les peintres français du XVIIe siècle en ont créé une troisième, qui est bien une école et une bonne école, mais qui n’est pas une grande école. Quoiqu’elle semble procéder des Romains et des Vénitiens,