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officielle ; elle cherche à imprégner l’élève de l’esprit historique. Je n’ai pas à faire ici la part du vrai et du faux : je présenterai seulement deux observations. La première, c’est qu’un enseignement de ce genre suppose une vie politique peu intense et une certaine uniformité dans les sentimens de la population : autrement il courrait risque, en provoquant la contradiction chez l’élève ou chez les parens, d’aller directement contre son but. En second lieu, il faut qu’il n’y ait pas un désaccord trop visible entre la réalité des faits et le tableau idéal qu’on trace à l’enfant : sinon cette peinture de l’autorité pourrait, contre l’intention des maîtres, prendre une apparence d’ironie et de satire.

Quand il s’agit des affaires du dehors, on ne se montre pas moins soucieux d’intéresser et de diriger l’élève. Voici un passage qui a été écrit en 1867, et qui fait allusion, je suppose, à la guerre contre le Danemark. « Si quelque grande entreprise est en jeu, si, par exemple, les armées sont mises en campagne pour mettre à la raison un ennemi violent, et pour arracher à sa barbarie une race de frères, le maître fera très bien de communiquer à ses enfans les nouvelles les plus importantes dans la mesure où ils pourront les comprendre ; il leur montrera sur la carte la marche des armées, les champs de bataille, et il leur inspirera une horreur approfondie pour ces « plumitifs » (comme les appelait Blücher), qui gâchent ce que le sabre du soldat avait arrangé. »

On pense bien que, quand il est parlé des nations étrangères, l’ennemi héréditaire (c’est de nous, s’il vous plaît, qu’il est question) n’est pas oublié. Lorsqu’il s’agit de la France, une telle abondance de récriminations se présente qu’on a l’embarras du choix ; mais, comme le goût pour ce genre de littérature me manque, je me contenterai d’un seul passage, qui est cité avec éloge dans l’Encyclopédie de Schmid[1], et où l’animosité contre la France s’exprime en termes bibliques. Il est tiré d’un programme du collège de Magdebourg pour l’année 1856 ; l’auteur se plaint qu’on ne s’occupe pas assez de cultiver le patriotisme chez les jeunes gens. « Quand ce devrait être aux dépens d’autres sciences, il faut implanter par l’histoire et par la géographie nationales le patriotisme dans les âmes juvéniles… Moins de logique obtenue par les mathématiques, si nous manquons de temps pour montrer la justice et la longanimité de Dieu, qui a placé auprès de nous le voisin occidental aux aguets, et qui en a fait une verge pour l’Allemagne, comme les Cananéens pour les enfans d’Israël ; si nous manquons de temps pour comparer l’ancienne frontière allemande avec la nouvelle, et pour secouer les jeunes âmes par le terrible châtiment de Dieu, lequel

  1. Tome II, p. 708.