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veut munir l’intelligence de notions définies sur les grands devoirs de la vie, la politique ne pouvait être entièrement bannie des leçons : on s’attache surtout à inspirer le respect de l’état, à le montrer, non comme la résultante des volontés individuelles, mais comme un produit de l’histoire qui est placé au-dessus des discussions, comme un organisme qui a sa fin et ses lois particulières, et que les hommes d’aujourd’hui, s’il était détruit, seraient incapables de recomposer. « Il faut, écrit le professeur Palmer[1], que le peuple, même en ses couches inférieures, perde l’habitude de voir dans les pouvoirs législatifs et exécutifs un maître qui, se trouvant par le fait en possession de la puissance, l’emploie aux mêmes usages pour lesquels l’emploieraient le paysan et l’ouvrier, s’ils étaient par un coup du sort mis en état d’exercer l’autorité. » L’état, selon cette conception, est si peu la somme des individus, que sans l’état l’individu ne serait rien. Non-seulement on s’attache à soustraire la race royale à l’instabilité des opinions, mais le bénéfice de la tradition historique s’étend jusqu’à un certain point aux classes dirigeantes. « Ce n’est pas, continue le même écrivain, au hasard qu’il appartient de décider si l’on sera parmi ceux qui gouvernent ou parmi ceux qui obéissent, en sorte que l’homme violent ou ambitieux pourrait tous les jours arriver à l’autorité, tandis que l’homme désintéressé ou modeste serait éternellement condamné à la subir. Il y a une partie de la nation que son esprit politique et son instruction appellent naturellement à gouverner l’état au dedans et à le représenter au dehors… Il restera toujours assez d’occasions pour chacun d’exercer de l’autorité et d’encourir des responsabilités comme électeur, comme juré, comme père de famille. Du sommet de l’échelle sociale jusqu’à la base, que chacun se meuve dans sa sphère en respectant au-dessus et au-dessous de lui les droits consacrés par le temps. Si le progrès des idées diminue de jour en jour la distance qui sépare les classes, c’est une raison de plus pour que le citoyen accorde à l’autorité non-seulement son obéissance, mais sa confiance et son attachement. Mauvais signe, quand Pierre et Paul se mêlent de tout, et quand le peuple ne se fie qu’aux orateurs de cabaret… Heureuses les contrées à qui Dieu donne un bon prince ! S’il a le sentiment de ses devoirs, s’il s’entoure des meilleurs hommes de la nation, il sera vraiment l’âme et le cœur du pays, le peuple aimera à voir en lui le chef politique de l’état, et à travers un reflet chrétien et poétique l’oint du Seigneur, une image terrestre de la majesté divine. »

J’ai reproduit à dessein ce passage, qui donne une idée assez juste du ton que prend habituellement en ces matières la pédagogie

  1. Directeur de l’enseignement dans le Wurtemberg.