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l’histoire religieuse, une des exceptions aux lois générales les plus dignes de méditation, que l’intrusion de cet élément étranger dans la famille mosaïque, si fermée et si exclusive. L’aversion des fils légitimes empêchait ces nouveau-venus de se fondre complètement dans le courant hébraïque. On devait s’attendre à voir le dogme s’altérer et se transformer entre leurs mains, suivant la pente de leur esprit national et de leurs croyances antérieures ; bien au contraire, ils l’isolent et l’immobilisent avec une fidélité plus jalouse que les gardiens attitrés eux-mêmes. Tandis que chez ces derniers le développement du prophétisme vient compléter l’institution mosaïque, les néophytes limitent toute révélation à la parole du fondateur ; pour ces étonnans esprits, l’horloge de l’humanité s’est arrêtée à l’heure du passage du Jourdain, tout le mouvement intellectuel depuis trois mille ans est non avenu. Auprès d’eux et à leur sens, le Juif immobile, figé dans sa doctrine et dans son espérance mortes, est un progressiste et un novateur. Notez qu’il ne s’agit pas ici d’un peuple, si petit qu’on le suppose, chez lequel un ensemble de traditions, d’exigences politiques et sociales, contribue à maintenir le faisceau des institutions religieuses, ni d’une immense fédération d’esprits de même famille, d’une franc-maçonnerie universelle, comme celle des Juifs modernes. La secte couthéenne est une épave : on compte tout au plus aujourd’hui cent cinquante Samaritains à Naplouse. Pourtant ce débris sans raison d’être apparente s’est maintenu réfractaire à toute assimilation avec les forces religieuses qui l’ont englobé, les Perses, qui lui apportaient les séductions d’un culte de famille, les Hébreux, les chrétiens, les musulmans ; ceux de nos petits-neveux qui, dans des temps éloignés, passeront ici avec des conceptions sans doute bien différentes des nôtres sur toutes les choses de la pensée, verront encore les mêmes fidèles, inclinés avec les mêmes pratiques sur le même livre aux caractères mystérieux. Pays d’incessantes surprises morales, où tout se plaît à renverser les systèmes laborieusement échafaudés par notre pauvre sagesse !

Un des cheiks nous mène chez lui, dans une petite chambre fort proprette située, suivant la coutume antique, sur la terrasse de la maison. Bien que les femmes de la tribu ne se montrent pas en public, il consent à nous présenter la sienne pour nous faire admirer la toilette traditionnelle et l’opulente coiffure d’amulettes et de sequins, pendans au bout des nattes tressées, dont les Samaritaines ont conservé l’usage. La jeune femme, peinte comme une idole et raide sous tous ses ornemens, rit de bon cœur de notre étonnement.

En quittant le quartier de cette secte bizarre, nous remarquons devant la mosquée de Naplouse un portail ogival d’ornementation