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paresseux : il ne faisait que gratter la terre du bout de la charrue ; nous leur avons appris à enfoncer le soc. Il a fallu casser leurs têtes dures, car c’est un peuple qui a besoin d’être maté ; il lui faut un maître, un tsar ! » C’était un spectacle curieux de voir tous ces yeux avides d’instruction, tantôt attachés sur le maître, tantôt brusquement abaissés sur l’atlas. Il était clair que ces jeunes filles recevaient des impressions pour la vie.

Le professeur, après la classe, causant avec moi, me racontait qu’il avait pratiqué le gymnase et la realschule, et que l’instruction des jeunes filles était ce qui, dans sa carrière, l’avait intéressé le plus. « Elles ont les mêmes aptitudes intellectuelles que les garçons. Il n’y a pas à changer de méthode ; pas de sensiblerie, pas de mollesse. Il faut au contraire plus d’énergie qu’avec les hommes, car les jeunes gens, après le gymnase, passeront par la discipline de l’université, du régiment, tandis que la femme qui n’apprend pas à l’école ce qu’est l’exactitude ne l’apprendra jamais. Elle doit aussi y apprendre ce qu’est la patrie et quelles sont envers l’état les obligations de chacun. »

J’ajouterai de mon côté que cet enseignement me semble surtout nécessaire dans un pays où le service militaire est organisé comme il l’est en Prusse, et comme il l’est désormais chez nous. Un système militaire qui, après avoir pris l’homme, le renvoie dans ses foyers, le laisse se marier, et peut le redemander subitement pour la guerre au bout de quelques années, a besoin de ne pas trouver un adversaire dans la femme. Il faut au moins qu’à l’âge où les impressions sont vives et profondes son esprit ait été préparé à tant de sacrifices. L’exemple de la dernière guerre, où les femmes en France ont été parfaites d’élan et d’abnégation, prouve quelles ressources de cœur se trouvent en elles ; mais il n’est ni souhaitable, ni probable, que le devoir parle toujours d’une façon aussi claire et aussi pressante.

On voit déjà par ce qui précède comment l’instruction allemande se fait l’auxiliaire du patriotisme ; mais les éducateurs d’outre-Rhin, qui ont si bien étudié l’esprit de l’enfant, ont compris que, pour s’en rendre maître, il convient de s’adresser simultanément à toutes ses facultés. comme l’imagination est celle qui domine dans l’adolescence, il est bon qu’elle ait sa part dans les leçons. Le passé de l’histoire germanique depuis les temps les plus reculés est présenté en une série de tableaux qui sont faits pour transporter de jeunes têtes. En France, nous dépeignons les premiers temps de notre histoire comme une époque de barbarie et de superstition : il a fallu que le contact des Romains et des Grecs apportât une civilisation supérieure, que le christianisme répandît des croyances plus