parlant, tantôt lisant des extraits d’un livre, s’attachait à faire ressortir les caractères principaux de cette époque. Il parla successivement de l’armée, de l’instruction, de l’industrie, ne craignant pas d’entrer dans le détail pour donner aux jeunes gens des idées précises. Il racontait par quels moyens on recrutait et l’on entretenait les troupes, quels étaient alors les appointemens d’un capitaine, d’un lieutenant ; puis il disait ce qu’était une école primaire en Prusse au commencement du XVIIIe siècle, quand un édit déclarait que « hormis les tailleurs, les tisserands, les maréchaux ferrans, les charrons et les charpentiers, on n’admettrait aucun corps d’état à fournir des instituteurs. » Après avoir rappelé que sous Frédéric-Guillaume Ier l’école était devenue obligatoire, il exposait les principaux articles du règlement général de 1763, qui sert encore aujourd’hui de base au système de l’instruction publique en Prusse. Les explications sur l’état de l’agriculture et du commerce au temps de Frédéric II, sur les encouragemens qu’il donna aux artisans venus de France, n’étaient pas moins intéressantes. Passant au caractère de Frédéric, il le peignait par des anecdotes peu connues, par quelques bons mots qu’il reproduisait dans la langue émaillée de termes français qu’affectionnait le roi. On voyait que le professeur se complaisait à ce sujet, dont on ne se lasserait pas, disait-il, de parler. Peut-être bien le portrait était-il un peu idéalisé. Si le roi s’est résigné au partage de la Pologne, c’est à contre-cœur et parce que la Russie et l’Autriche avaient pris les devans : comme chef d’état, il se devait à lui-même de ne pas trop laisser s’accroître ses voisins. Les élèves, qui écoutaient avec grande attention, ne prenaient pas de notes comme les nôtres ; mais à la classe suivante et aux répétitions générales, qui ont lieu plusieurs fois dans l’année, ils sont tenus de reproduire, avec le secours des livres qu’ils ont entre les mains, ce qui a été exposé par le maître. On a même soin en ces répétitions, auxquelles on consacre chaque année plusieurs classes, de revenir sur les matières vues pendant les années précédentes en les complétant par tout ce qui a été appris depuis. Je n’ai pas besoin de dire, mais on peut se figurer aisément les réflexions que je faisais, tandis que ce descendant des cultivateurs de l’Ile-de-France racontait à soixante jeunes Prussiens, en un langage sobre et nerveux, les grands avantages que l’Allemagne avait tirés plus d’une fois, et à plus d’une époque, des fautes commises par les gouvememens français.
A quelques jours de là, j’assistais aux leçons du Schullekrer-Seminarium ou école normale pour les instituteurs primaires : par une faveur spéciale du directeur, j’eus la permission de lire les compositions que les élèves de troisième année avaient faites pour leur classement définitif. La composition d’histoire avait pour sujet