Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 7.djvu/484

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son alcôve, fou d’amour il vole après elle. La scène est vive, hardie, choquante même, et gagnerait à être plus délicatement traitée. Antoñona rentre tout à coup, et, sans lui épargner quelques grosses plaisanteries du cru, force notre amoureux à prendre congé ; il est deux heures du matin. Don Luis d’ailleurs a pour toujours renoncé à ses aspirations mystiques : indigne de la prêtrise, il se contentera d’être un honnête homme et d’épouser la femme qui s’est donnée à lui. Du même pas, il court au casino : il compte bien y trouver certain hobereau, un sot doublé d’un insolent, prétendant évincé de Pepita, qui, le matin même, a osé parler d’elle en termes outrageans : une querelle s’engage entre eux à propos de cartes, aussitôt suivie d’un duel, et, dès les premières passes, avec ce bonheur qui n’appartient qu’aux héros de roman, don Luis allonge une superbe estafilade sur la figure de son adversaire. Le plus pénible pourtant reste encore à faire ; il s’agit d’avouer au cacique qu’on s’est joué de lui, que son propre fils était son rival ; mais au premier mot don Pedro a tout compris et tout pardonné. L’excellent père en vérité ! N’aurait-il pas été pour quelque chose dans ce mystérieux rendez-vous, ménagé par Antoñona, où ont sombré tout ensemble la vocation de don Luis et la vertu de Pepita ? Cette ruse équivoque, qui sert ses plans en lui donnant un peu à rire, est tout à fait dans son caractère. Passons bien vite sur le double épilogue et les détails inutiles où s’attarde l’auteur. Bref, Luis, réparant ses torts de la façon la plus canonique, devient mari de Pepita, et un an après père d’un bon gros garçon. Tout est bien qui finit mieux.

Tel est ce livre, où les longueurs abondent, où le plan fait défaut, intéressant encore et curieux malgré tout. Il va paraître sous peu traduit en langue portugaise, et le succès n’en est pas douteux à Lisbonne comme à Madrid. Chez nous, une traduction pure et simple ne serait guère possible. Passe encore le choix du sujet, ce séminariste amoureux se débattant contre le diable et voulant garder sa vertu ; grâce aussi pour le vieux curé, brave et digne homme qui, sans y entendre malice, fait à don Luis l’éloge de Pepita, et à Pepita l’éloge de don Luis, jette de l’huile sur le feu, puis un beau jour se trouve tout surpris quand il ne lui reste plus qu’à sanctionner par la bénédiction nuptiale le fait accompli. Toujours est-il que nous nous trouvons mal à l’aise dans cette atmosphère dévotieuse où s’exhale comme une odeur fade de cire-vierge et un parfum de sacristie ; le salon de Pepita tient de l’oratoire avec sa petite chapelle ornée de fleurs, son enfant Jésus en bois peint et ses cierges toujours brûlans. Adorations, génuflexions, invocations réitérées à Dieu, aux saints, à toutes les Vierges de la Péninsule, — c’est un étalage continuel de piété matérielle, peu gênante après tout et bien espagnole. M. Valera s’en exprime du reste assez franchement. L’heure du rendez-vous va sonner, quand tout à coup Pepita s’est sentie prise du besoin de prier ; elle court s’agenouiller devant sa chapelle. « A un Jésus