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dans la marine espagnole ; son frère aîné a hérité de leur mère le titre de marquis de Paniega ; leur sœur, devenue Française, est veuve du maréchal Pélissier, duc de Malakof. Lui-même entra de bonne heure dans la diplomatie. Il fut ainsi successivement attaché d’ambassade à Naples et à Lisbonne, puis secrétaire au Brésil, en Allemagne, en Russie avec le duc d’Osuna. Depuis 1859, où il fut élu député pour la première fois, M. Valera a siégé aux cortès à plusieurs reprises. Nommé ministre d’Espagne à Francfort, il occupa ce poste jusqu’à ce que les premiers succès de la Prusse et la dissolution de la diète germanique, qui suivit de près Sadowa, lui eussent fait inopinément des loisirs. Mettant à profit sa connaissance approfondie de la langue allemande, il fit connaître à ses compatriotes l’intéressant ouvrage de Frederick Schack : Poésie et art des Arabes en Espagne et en Sicile. Cette traduction faite avec talent serait peut-être son principal titre littéraire. Il avait donné déjà un volume de Poésies et deux livres de critique : l’académie de Madrid lui ouvrit ses portes.

En dehors de ses livres, il a fourni des articles à un certain nombre de journaux et de recueils : c’est ainsi que pendant cinq ans il collabora au journal el Contemporaneo, le plus brillant organe de l’opposition contre le ministère O’Donnell. Il a fait aussi quelques conférences à l’Athénée ; on appelle de ce nom un cercle semi-politique et semi-littéraire où les membres font des lecciones auxquelles le public est admis ; c’est à l’Athénée que la plupart des orateurs de l’Espagne contemporaine ont fait leurs premières armes. Aujourd’hui M. Valera continue sa vie active, partagée entre les travaux de l’écrivain et les soucis de l’homme politique ; depuis la révolution de 1868, dont il avait accepté le programme, il a été deux fois directeur de l’instruction publique, enfin conseiller d’état. Dans ces conditions, un nouveau livre de lui, un roman surtout, ne pouvait passer inaperçu : tout Madrid connaissait l’auteur et voulut connaître l’ouvrage. D’ailleurs Pepita Jimenez n’obtint pas seulement un succès de curiosité : l’intrigue était piquante, le style aisé et coulant ; on ferma les yeux sur les défauts de composition, très réels pourtant, et on applaudit.

La scène se passe dans un petit village de l’Andalousie ; le lieu du reste importe peu ; à peine çà et là quelque brève description qui nous rappelle la fertilité de ce sol béni, chanté par les poètes : un coin de bois, une olivaie, un ruisseau transparent bordé de lauriers-roses, un frais vallon sillonné de canaux, jardin et verger tout ensemble. L’auteur s’est attaché surtout à la peinture des caractères.. Dans ce récit sans prétention, où parlent et s’agitent six ou sept personnages, chacun d’eux, même le plus modeste, a sa physionomie à lui, bien tranchée, qui se précise et se complète à travers les péripéties et jusqu’à la fin du drame. Un jeune séminariste, Luis de Vargas, sur le point d’être ordonné prêtre et de partir au loin comme missionnaire, est venu