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duc de Broglie, M. le duc Decazes, M. le duc d’Audiffret-Pasquier, M. Casimir Perier, M. Léon Say, M. Bocher. L’intention n’avait certes rien que de louable, et pour un public impatient, lassé d’obscurité, elle a un instant paru être le prélude d’une solution. Chose frappante, les partis extrêmes seuls voyaient cette tentative avec ombrage. Malheureusement il était déjà tard, l’assemblée s’agitait depuis un mois dans le vide à Versailles, et qui ne sait que, lorsque l’assemblée est à Versailles, tout est changé ? Les réunions, les conciliabules, les mots d’ordre, les considérations de toute sorte, le respect humain entre les partis, les excitations mutuelles, reprennent leur action dissolvante et rendent tout impossible. On retombe invariablement dans cette diplomatie dont le dernier mot est l’inertie et l’impuissance au profit des minorités intéressées à tout empêcher. De plus, ces conférences de l’Elysée, quel caractère avaient-elles réellement ? A quoi pouvaient-elles aboutir ? C’étaient visiblement des conversations, des consultations encore plus que des négociations précises. Elles mettaient en contact des hommes fort accoutumés à se rencontrer courtoisement, assez disposés à s’entendre sur quelques points généraux de la politique, mais nullement appelés à s’engager, à coopérer d’un commun effort au succès d’une combinaison préparée et acceptée d’avance. Le danger de ces consultations, manifestement dénuées de toute sanction, était d’avoir une apparence dépassant la réalité, de créer l’illusion d’un accord dans le vague, de laisser croire qu’il n’y avait qu’à donner, par un expédient de rédaction, une légère satisfaction au centre gauche pour l’entraîner, et c’est dans ces conditions qu’on est allé le 6 janvier à l’assemblée un peu au hasard, sans garantie, au risque de se réveiller devant un échec, suite inévitable d’un malentendu.

L’échec n’a point tardé en effet. Le ministère, malgré son évidente faiblesse, a voulu faire acte d’initiative ; au moment de la mise à l’ordre du jour des lois constitutionnelles, il a cru pouvoir demander la priorité pour la discussion sur la seconde chambre, en s’efforçant de désintéresser le centre gauche par une apparence de connexité entre la loi sur le sénat et le reste de l’organisation politique. M. le président de la république lui-même s’est engagé par un nouveau message sur cette question de priorité de discussion, et l’intervention de M. le maréchal de Mac-Mahon ne pouvait évidemment qu’aggraver la situation. Qu’est-il arrivé ? Le centre gauche ne s’est pas tenu pour satisfait d’une concession assez mal définie, et, lorsqu’il a fallu voter, une majorité considérable s’est levée contre la priorité demandée pour la loi sur le sénat. Le gouvernement était battu. Fort heureusement M. Buffet s’est souvenu que les lois constitutionnelles, dans leur ensemble, restaient à l’ordre du jour, qu’il y avait déjà un vote. S’il n’avait pas eu cet à-propos, s’il n’avait pas habilement esquivé un vote nouveau, la proposition que faisait