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d’enseigner à côté des professeurs titulaires, sans titre, sans autre traitement que la rétribution payée par les élèves. On devine, même sans en avoir vu les bons effets en Allemagne, tout ce qu’une pareille concurrence, peut faire pour exciter l’émulation des professeurs et stimuler la curiosité du public. Seulement l’amour du bruit et du faux éclat pourrait, dans la pratique, rendre l’exercice de ce droit plus difficile et plus fertile en scandales en France que partout ailleurs. Rien n’empêcherait de le soumettre au régime de l’autorisation, qui prévient ou réprime les abus ; mais, quoi qu’on décide sur les réformes applicables à l’enseignement supérieur, il est une chose certaine pour nous, c’est que la liberté de l’enseignement supérieur, telle que nous la comprenons, avec le droit des cours accordé aux individus, avec la collation des grades réservée tout entière à l’état, avec les jurys universitaires acceptés jusqu’ici par tous les établissemens libres, offre beaucoup plus d’avantages que d’inconvéniens, à part la satisfaction donnée à un droit fort respectable. Si l’enseignement supérieur se réforme et se réorganise, ainsi qu’il est permis de l’espérer, il n’aura rien à craindre de la concurrence, possédant tout ce qu’il faut pour conserver sa suprématie et retenir l’élite des esprits sérieux. S’il manque de vie et de force, faute de ressorts puissans qui le fassent fonctionner, il souffrira, il périra peut-être comme toutes les institutions qui ne répondent plus à leur mission. En ce cas, la société n’y perdrait rien, et retrouverait dans l’initiative des individus et des associations ce que l’Université n’aurait pu lui donner.

Hâtons-nous de le dire en finissant, nous n’avons nulle crainte à ce sujet. Il n’y aurait que deux choses, devant la concurrence de l’enseignement libre, qui pourraient sérieusement compromettre les destinées de l’enseignement supérieur de l’état : c’est l’obstination dans la routine d’une part, et de l’autre un système de réformes qui, copié servilement sur l’exemple de nos voisins, ne répondrait ni au génie de notre peuple, ni aux besoins de la situation actuelle des esprits. Oui, la réforme doit être, maintenant plus que jamais, partout à l’ordre du jour, si l’on veut que ce pays se relève et se réorganise, afin de reprendre dans le monde le rang où ses généreux instincts, ses heureuses et brillantes aptitudes auraient dû le maintenir. S’il est tombé, cette fois comme tant d’autres, dans sa glorieuse, mais inégale carrière, il n’est pas déchu, car c’est par abus de forces et non par défaut qu’il est tombé. Tout le secret du succès pour ce peuple, plus facile encore à relever qu’à abattre, est dans le sage emploi de ses forces ; mais, tout en profitant des heureuses expériences faites par ses voisins, il faut bien nous convaincre que toute réforme n’est bonne chez un peuple, surtout chez un peuple comme le nôtre, qu’autant qu’elle n’est pas contraire à son génie