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maintenue exclusivement entre les mains de l’état, la question changera de forme, et c’est sur la composition des jurys d’examen que se rejetteront les partisans vaincus de la collation des grades par les établissemens libres. Après qu’on se sera mis d’accord sur ce point, qu’à l’état seul appartient de conférer les grades, il faudra encore décider comment et par qui il les fera conférer. Si c’est par des jurys purement universitaires, l’Université ne sera-t-elle pas ici juge et partie ? Ne s’agit-il pas du succès de ses élèves et de ses écoles en face du succès des élèves et des écoles libres. L’objection est certainement spécieuse, nous disons plutôt spécieuse que réellement fondée, quand on y regarde de près. Contre un jury composé de membres de l’enseignement secondaire, ainsi que cela se passait jadis, elle serait irréfutable. Contre un jury composé de membres de l’enseignement supérieur, elle ne vaut pas, du moins pour tous ceux qui savent au juste comment les choses se passent. Que sont ces examinateurs ? Des professeurs de faculté qui n’ont aucun des intérêts, aucune des passions dont les professeurs de lycée peuvent être suspects pour une concurrence jalouse et défiante. Nous ne ferons pas au corps si respectable et si respecté des examinateurs de l’état l’injure de défendre leur autorité en disant que leur intérêt personnel est d’accord avec leur conscience. Ce qui est vrai en fait, c’est que, si cette conscience éprouve parfois des scrupules et des embarras, c’est quand il s’agit de rendre la justice à l’élève des écoles libres qui n’a pas mérité le succès. D’ailleurs les écoles ne trouvent-elles pas toute garantie dans la publicité des examens, dans la présence de leurs chefs et de leurs professeurs, qui regardent et jugent les juges eux-mêmes au besoin ? Et si l’on ajoute que, dans la longue expérience faite par les étrangers de la justice des jurys universitaires, il ne s’est pas élevé une plainte, une réclamation contre la partialité et la malveillance, on pourra se demander quel autre intérêt qu’une pure satisfaction logique peut être mis en jeu dans un pareil débat ?

Une pure satisfaction logique, nous dira-t-on, c’est bien quelque chose, car ce n’est pas moins qu’un principe de justice engagé dans la question. Oui, sans doute, Seulement il est à craindre qu’en cela, comme en bien d’autres choses, la parfaite logique ne nous coûte un peu cher. Qu’imaginer pour la satisfaire ? Les jurys spéciaux, les jurys mixtes ? — Les jurys spéciaux, c’est-à-dire les jurys composés en dehors du corps des professeurs de faculté, peuvent plaire au premier abord aux esprits rigoureux et absolus ; mais ils ne seront pas faciles à recruter. Quand l’état aurait la bonne fortune de mettre la main sur des docteurs, des savans de mérite, où sera leur compétence, s’ils n’ont pas l’expérience et même la pratique de l’enseignement ? Et si l’on exige cette condition, qui paraît indispensable pour bien