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université de l’état, se fonder des facultés et des universités libres, comme il en existe en Belgique, en Angleterre, aux États-Unis ? Dans le cas de l’affirmative, leur accordera-t-elle le droit de posséder, et alors comment conciliera-t-elle le droit avec les principes du code civil ? De plus, la loi reconnaîtra-t-elle à ces facultés et universités libres, légalement instituées, le droit de conférer les grades ? Et si ce droit est exclusivement réservé à l’état, la loi y mettra-t-elle pour condition la composition de jurys mixtes ou spéciaux d’examen, ou bien s’en remettra-t-elle aux jurys universitaires, tels qu’ils existent aujourd’hui ? Enfin, la loi faite et la concurrence ouverte à l’initiative des individus et des associations, n’y a-t-il pas lieu d’examiner si urne réforme est nécessaire dans l’enseignement supérieur de l’état, et quelle devrait être la portée de cette réforme, sur laquelle a tant insisté M. Bert ? Voilà les principales questions que provoque le principe de la liberté de l’enseignement supérieur dans son application.

Première question : le droit d’enseigner sera-t-il accordé aux individus ? Il nous avait toujours semblé que, s’il y avait lieu de contester un droit, ce ne pouvait être celui de l’individu. On en juge autrement d’un certain côté de l’assemblée, et c’est le droit seul des associations qu’on parait regarder comme hors de toute discussion. En principe, la liberté des cours proprement dits, c’est-à-dire de l’enseignement individuel, fait en dehors de tout établissement supposant le concours d’un certain nombre de personnes, ne peut être et n’est pas contestée. En effet, si cette faculté de faire des cours individuels était rayée de la loi, celle-ci perdrait absolument son caractère libéral ; au lieu de la liberté pour tous, ce serait le partage du monopole entre l’état et le clergé qu’elle aurait établi en fait. Qui doit profiter de la liberté de l’enseignement ? Tout le monde, si le droit de faire des cours est reconnu par la loi ; mais, si c’est seulement le droit de fonder des établissemens, qui pourra en profiter ? Le clergé, qui seul aura les ressources nécessaires pour mener à bien une pareille entreprise. Partout une œuvre de ce genre est difficile à faire, mais en France surtout, où l’initiative des individus et même des associations est bien faible, sinon nulle, devant la puissante initiative d’un clergé riche et entreprenant. Les cours, nous en avons l’espoir, se multiplieront sous le régime de la liberté, nous entendons les cours sérieux, instructif, faits par des maîtres de la science ou des esprits originaux et pleins d’ardeur qui, après de longues et sévères études, éprouveront le besoin de faire connaître à un public d’élite, leurs idées et leurs personnes. Les établissemens libres en dehors de l’Université et du clergé seront très rares, et, si par hasard il s’en forme, ils auront beaucoup de peine à se maintenir en face d’une double concurrence aussi redoutable, parce qu’ils manqueront de ce fonds nécessaire à toute œuvre pareille, qu’on nomme les