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pourtant de reconnaître que, dans la bouche de M. Dupanloup aussi bien que dans celle de Montalembert, de Lacordaire et de leurs amis, ce langage est sincère, et que pour eux la liberté de l’enseignement supérieur, comme d’autres libertés, est quelque chose de plus qu’une tactique et un moyen. On oublie trop, en rappelant de tels orateurs à la logique de leur doctrine et de leur situation, que des esprits élevés et éclairés ne peuvent rester entièrement étrangers aux grands principes de la raison et aux droits supérieurs de la conscience, au nom desquels s’est faite cette révolution qu’ils ont en horreur. Seulement, à cette manière de faire l’histoire de l’enseignement public, de célébrer le libéralisme de l’église catholique, le nombre des écoles, l’éclat de l’enseignement, la grandeur et la beauté des doctrines, la tragique fin de ces magnifiques institutions anéanties par la révolution et ridiculement remplacées par des écoles désertes malgré les beaux programmes qui s’étalaient sur le papier, il y avait une réponse à faire. Nul ne convenait mieux à cette tâche que l’orateur qui a occupé la tribune après M. Dupanloup. Rien ne manquait à M. Challemel-Lacour pour y réussir ; il a le talent, la science historique et la pensée philosophique. Un libéral, un républicain, même un radical comme nous les comprenons, c’est-à-dire un politique de l’idéal et de l’absolu, s’il eût été, comme M. Challemel-Lacour, un maître de la parole, avait, ce semble, très beau jeu pour ramener à la vérité historique la thèse de l’évêque d’Orléans.

La réponse était bien simple, facile même à un orateur inférieur en talent à M. Challemel-Lacour : « Monseigneur, nous autres libéraux, radicaux, philosophes et libres penseurs, nous sommes heureux, pour la cause de la liberté, et aussi pour la cause de l’église, de vous voir prononcer avec tant d’aisance et de fermeté un mot qui n’a pas toujours sonné agréablement aux oreilles de l’église catholique. Cela nous étonne moins dans votre bouche que dans celle de beaucoup de vos collègues, et nous ne sommes pas bien sûrs que votre foi dans les excellens effets de la liberté soit partagée à Rome ; mais qu’importe ? Nous saluons dans votre profession de foi libérale la toute-puissance de l’esprit moderne. Permettez-nous seulement de rappeler que cette liberté, dont vous parlez si bien, c’est la philosophie et non l’église qui l’a enseignée, et que c’est le droit moderne, s’inspirant de cette philosophie, qui l’a mise dans nos institutions et dans nos lois, sans le concours de l’église catholique, et le plus souvent malgré ses vives résistances. Nous pensons avec vous que la liberté est excellente en elle-même ; nous allons jusqu’à croire qu’elle est vraiment sainte, c’est-à-dire de divine origine, puisque plus la créature est libre sous la loi du devoir, plus elle se rapproche de son créateur, qui n’a pas