Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 7.djvu/225

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



31 décembre 1874.

Voilà donc la quatrième année révolue depuis ces jours de misère et de deuil d’où devrait dater désormais pour la France, après les grandes épreuves nationales, l’ère des résipiscences courageuses, des épurations et de la régénération par le malheur ; oui, déjà la quatrième année, et la première où notre pays ait pu respirer un peu librement sans avoir à compter avec une occupation étrangère léguée par la plus funeste des guerres. Que les enfans perdus de toutes les opinions aient la fantaisie de refaire ou d’arranger l’histoire à leur façon, avec leurs vieux almanachs, leurs éphémérides saugrenues et leurs souvenirs surannés : pour tous les esprits fidèles à leur patrie, émus des poignantes et fortes réalités nationales, il n’y a plus qu’une date sérieuse inscrite par une main implacable comme le point de départ d’une vie nouvelle où les jours et les années ne comptent que par ce qu’ils produisent pour l’œuvre commune, par les réparations qu’ils assurent ou qu’ils préparent.

Tout est là maintenant, tout s’efface devant le suprême et douloureux intérêt de cette crise de l’histoire qui a éclaté un jour à l’improviste au milieu de l’Europe étonnée, faisant oublier pour le moment les vaines querelles des partis, inaugurant pour nous un ordre nouveau de combinaisons, de préoccupations et d’efforts. La première affaire pour la France au lendemain des catastrophes était évidemment de se reconquérir elle-même, de racheter sa liberté à défaut de son intégrité, et ceci, la France l’a fait courageusement sans marchander les sacrifices, sans se laisser détourner de son but. Elle n’a rien refusé à celui dont elle avait fait son guide au plus fort de ses épreuves, qui avait à conduire pour elle, qui a conduit patriotiquement, habilement, les plus colossales et les plus délicates opérations de crédit. C’est l’œuvre, de moins de trois ans certes bien remplis (par une telle entreprise, dont le suc-