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qui recommande cette essence dans tous les pays où la fièvre exerce sa triste influence.

Ce n’est pas tout : sans être, à proprement parler, un antipériodique à la manière des quinquinas, l’eucalyptus semble, d’après les témoignages les plus authentiques, être un remède très efficace contre un grand nombre de fièvres intermittentes. Dès 1863, M. Ramel, bien qu’étranger à la médecine, prévoyait que telle serait l’action de l’arbre auquel il attribuait hardiment la salubrité de l’Australie méridionale. En 1863, étant à Valence pour visiter ses amis et ses enfans les eucalyptus, il disait à M. Ed. Wilson, en lui montrant les rizières pestilentielles : « Voilà le nid de la fièvre qui désole le pays, voilà la place de l’eucalyptus qui doit l’assainir. » Deux ans plus tard, un jardinier bien connu, M. Robillard, établi en Espagne, visitait le Muséum, où feu Newmann, son maître en horticulture, lui montrait comme une nouveauté l’eucalyptus globulus. « Une nouveauté, cela ! c’est bon pour vous, Parisiens, mais non pour les paysans de Valence ; chez eux, c’est déjà l’arbre populaire contre les fièvres ; on le connaît si bien qu’on en pille les feuilles, quand on peut, comme on ferait de reliques, et que, dans tel jardin public d’une grande ville, il a fallu mettre des gardes autour de l’arbre à la fièvre pour l’empêcher d’être dépouillé[1]. »

Aussi est-ce en Espagne que les premières expériences positives ont été faites sur les vertus fébrifuges de l’eucalyptus par le docteur Tristany ; consignées dans une publication peu répandue, el Compilador medico (1865), ces observations furent mentionnées dans la presse médicale, et, confirmant la réputation déjà populaire du nouveau remède dans les provinces méditerranéennes de l’Espagne, elles engagèrent un médecin français établi à Montevideo, feu le docteur Adolphe Brunel, de Toulon, à faire de l’eucalyptus l’objet de sérieuses expériences cliniques. Mort subitement à Paris en octobre 1871, l’auteur ne put lui-même publier les résultats de cette étude ; mais sa famille remplit pieusement ce devoir, ajoutant ainsi un titre de plus à l’œuvre estimable du biographe d’Aimé Bonpland. Dans l’intervalle, des recherches de MM. Gimbert à Cannes, Carlotti et Tedeschi en Corse, P. Marès, Miergues, en Algérie, Gubler, Lenglet, à Paris, Lorinser à Vienne, G. Sacchero en Sicile, Castan à Montpellier, et de bien d’autres encore, mettaient hors de doute, dans l’ensemble au moins, les propriétés fébrifuges du nouveau médicament.

  1. Je tiens ces détails de M. Ramel. M. Ed. Wilson, son compagnon de voyage en Espagne, est un des hommes dont le nom se trouve mêlé à tous les progrès de la colonie de Victoria. M. Ramel rappelle, dans son style imagé et enthousiaste, le Benjamin Franklin de l’Australie.