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la phase des lointaines colonisations, il fallait un enchaînement de circonstances dont le premier terme remonte à peine à quarante ans : fondation de la colonie de Victoria dans l’Australie méridionale, — éclosion et merveilleux développement d’une grande ville dans cette région naguère déserte, mais où la fièvre de l’or allait préparer la richesse plus sûre et plus morale de l’exploitation des pâturages, — création d’un beau jardin colonial dans cette cité improvisée de Melbourne, enfin et surtout action de deux hommes dont le souvenir doit rester lié aux bienfaits de l’eucalyptus partout où cet arbre prospérera comme une source de richesse et de salubrité publiques ; j’ai nommé pour les initiés Ferdinand Mueller et Ramel. Dans l’histoire de la naturalisation lointaine de l’eucalyptus, M. Mueller, c’est le savant qui calcule sûrement l’avenir de l’arbre, qui lui trace son itinéraire et lui prédit sa destinée ; M. Ramel, c’est l’amateur enthousiaste qui s’enrôle corps et âme dans une mission de propagande. Tous deux ont la foi, mais l’un est le prophète, l’autre l’apôtre, et, dans cette noble confraternité de services où les rôles se complètent et se confondent, la reconnaissance publique ne voudra pas séparer ces deux noms que l’amitié réunit : on dira Mueller-Ramel, comme nos soldats de l’armée d’Égypte disaient Monge-Berthollet. Avec ces deux noms s’ouvre l’histoire de la colonisation de l’eucalyptus, dont nous allons esquisser les circonstances les plus saillantes.


II

Une des premières choses que font les Anglais lorsqu’ils s’installent sur une terre nouvelle, c’est d’y fonder un jardin colonial. Ce que nous avons fait à Bourbon, à Pondichéry, à la Guadeloupe, à Cayenne, à Alger, à Saigon, nos voisins l’ont accompli largement et splendidement à Calcutta, au Cap, à Sidney, à Ceylan, et, sur une échelle variée, dans les moindres stations où la politique et le commerce leur font prendre pied. De tels jardins deviennent dès leur fondation un champ d’expériences utiles sur les végétaux du pays et sur tous ceux que de mutuels échanges permettent de soumettre à des essais de naturalisation. C’est ainsi que dès 1832 Sidney recevait et cultivait la collection complète des vignes du Luxembourg et du Jardin des Plantes de Montpellier, préludant ainsi par un essai tout scientifique à l’extension prochaine de cette production du vin qui, dans la Nouvelle-Galles du sud et surtout dans les colonies plus méridionales encore de South-Australia et de Victoria, couvrait déjà 1,000 hectares en 1861, et promettait à ces régions