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rement dénouée par le patriotisme et la modération, comme il convient à des Français qui ont encore tant à faire, et qui le savent, pour réparer leurs désastres, pour réorganiser leurs ressources, pour reconquérir par la sagesse ce que l’imprévoyance a fait perdre à la France.

Au milieu de toutes ces émotions de la vie parlementaire, l’assemblée a trouvé le temps de consacrer plusieurs séances à cette question délicate et en apparence assez compliquée des conventions diplomatiques relatives à la réforme judiciaire égyptienne. Est-elle réellement si compliquée, cette question ? Assurément, si l’on veut épuiser tous les détails, refaire un cours d’histoire sur les anciennes capitulations, exposer l’état de l’Égypte, de ses ressources, de ses mœurs, de ses tribunaux, on peut aller loin. Après tout, il y a aujourd’hui un fait pratique et simple qui domine tous les autres ; il y a un arrangement auquel ont concouru dix-sept gouvernemens. De tout cela résulte pour les étrangers résidant en Égypte une certaine situation définie par les lois égyptiennes, couverte désormais d’une sanction diplomatique, dans une mesure déterminée par les divers gouvernemens. La France, pour sa part, s’est associée à cette œuvre avec tous les autres cabinets. La seule question politique est de savoir si l’on veut accorder ou refuser la ratification de la France à des arrangemens qui ont déjà reçu la sanction de la Russie, de l’Autriche, de l’Allemagne, de l’Italie. Ce qu’entraînerait un refus, on le sait : nos nationaux se trouveraient nécessairement dans une situation assez fausse, en dehors du droit commun appliqué à tous les étrangers, et diplomatiquement la France se trouverait exclue par sa propre volonté de cette sorte de concert européen qui s’est établi pour les affaires de l’Égypte. Ce qui résulterait au contraire de la ratification est sans inconvéniens bien graves, puisque l’expérience de cette organisation judiciaire égyptienne est limitée à une durée de cinq ans, et que pendant ces cinq ans les gouvernemens peuvent encore se dégager, s’ils voyaient les intérêts de leurs nationaux compromis.

Voilà la question qui s’est posée l’autre jour devant l’assemblée, sur laquelle M. Rouvier, député de Marseille, rapporteur de la commission, a fait un discours fort long, fort étudié, politiquement peu décisif, pour proposer de retirer la signature de la France de la réforme égyptienne en désavouant par cela même M. le ministre des affaires étrangères. M. le duc Decazes s’est fait un devoir de reprendre aussi clairement, aussi simplement que possible toute cette histoire diplomatique, et il a bien eu un premier avantage sur la commission en obtenant que la loi de ratification passât à une seconde lecture ; mais il n’a pas pu pousser plus loin son avantage, il n’a pas obtenu le vote d’urgence qu’il réclamait. M. Lucien Brun s’est jeté dans cette mêlée. Il a demandé qu’on laissât à l’assemblée le temps de réfléchir, d’étudier plus amplement l’affaire ; il a même fait intervenir, on ne sait trop pourquoi, la dignité de la France. Franchement, ceux qui n’ont pas eu jusqu’ici le loisir d’étudier