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serait plus probablement qu’un assez vain palliatif d’aller au-devant d’une discussion publique dans l’assemblée, de provoquer un vote de confiance que M. le vice-président du conseil obtiendrait peut-être encore, qui ne réparerait pas ou ne réparerait qu’à demi le mal d’hier, qui n’effacerait pas l’échec personnel éprouvé par le chef du cabinet.

Voilà donc à quoi ont servi tous les soins de M. Buffet pour cette majorité dont il a rêvé la résurrection, sur l’existence de laquelle il a fondé tous ses calculs ! Le jour où il est personnellement en cause, il est brusquement abandonné par un de ses alliés qu’il a couvert de sa protection indulgente au risque de se compromettre, il échoue comme M. Wallon ! Or que résulte-t-il de cet incident particulier des élections sénatoriales ? On ne peut se dissimuler que depuis huit jours il y a quelque chose de changé ! Comme homme public, M. le vice-président du conseil peut se mettre au-dessus d’une défaite ; comme chef de cabinet, il n’a plus jusqu’à un certain point l’intégrité de sa situation. Si ce n’était encore qu’une question parlementaire, une affaire de position devant l’assemblée, ce ne serait rien, l’assemblée achève de vivre et va disparaître ; évidemment, c’est plus que cela, l’autorité de M. le ministre de l’intérieur est plus ou moins frappée, plus ou moins diminuée devant le pays, même devant son administration, qui, en restant obéissante, peut être ébranlée ; c’est une autorité qui a reçu un échec, et le coup est d’autant plus sensible, d’autant plus grave, que M. le vice-président du conseil n’est pas seulement atteint dans son ascendant personnel ; il est surtout atteint dans ses idées, dans sa manière de comprendre la situation, les intérêts du pays, dans la politique qu’il n’a cessé de défendre devant l’assemblée, qu’il se proposerait encore d’appliquer aux élections prochaines, s’il était appelé à les diriger, ce qui devient moins probable.

Qu’est-ce en effet que ce dernier échec qui précède de si peu le grand scrutin public auquel le pays va être convié ? C’est la défaite de ce que M. le vice-président du conseil a si souvent appelé « l’union conservatrice ; » c’est bien plus encore, c’est la démonstration palpable de ce qu’il y a de factice, de périlleux et d’inefficace dans cette « union » telle que M. le ministre de l’intérieur la comprend avec son esprit de restriction. Rien n’est plus simple sans doute que de dire ce que M. Buffet disait, il y a quelques jours à peine, devant l’assemblée en résumant une fois de plus son programme : « J’ai fait appel et je ne cesse de faire appel à l’union des forces conservatrices,… parce que des hommes qui peuvent avoir été divisés dans le passé, qui pourront être divisés dans les éventualités inconnues de l’avenir, sont et peuvent être parfaitement unis sur le terrain légal, sur le terrain constitutionnel, pour la défense d’une politique qui leur est commune, la politique conservatrice… » Fort bien ! Sait-on seulement à quoi se réduit cette théorie