Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 12.djvu/912

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans la question si controversée des origines de l’architecture grecque, et le mettre sur la voie de la vraie solution.

Par les monumens que renferme, par les réflexions que suggère une seule de ces galeries à travers lesquelles nous ayons entrepris un voyage de découverte, on peut juger de la valeur des documens que contient le musée. Si c’était ici le lieu d’entrer dans le détail, nous aurions encore à signaler la collection des antiquités cypriotes, moins riche, il est vrai, que celle du Louvre, mais qui possède encore bien des morceaux précieux, nous aurions à suivre dans ses lentes transformations cet art insulaire, dont les produits n’ont commencé à être étudiés que depuis quelques années à peine, nous le verrions, tout assyrien d’abord de facture et de style, se teindre par degrés de la couleur grecque, tout en continuant toujours à reproduire un type local très particulier ; ces observations jetteraient quelque jour sur l’histoire encore mal connue de cette île jadis si peuplée et si riche, l’un des lieux où le monde sémitique et le monde hellénique entrèrent le plus tôt en contact. Comme la Lycie, Chypre avait son alphabet propre, connu seulement par les inscriptions. Pendant longtemps cette écriture, comme la lycienne, a gardé son secret ; mais la science moderne vient enfin de résoudre le problème, sinon pour la Lycie, au moins pour Chypre. Il paraît démontré par les recherches de MM. Brandis et George Smith que la langue de ces textes n’est pas autre chose qu’un grec archaïque assez voisin de l’éolien.

Malgré la supériorité de ses lettres et de ses arts, la Grèce ne se comprend donc et ne s’explique pas bien, si, comme on a longtemps incliné à le faire, on l’isole arbitrairement, on la détache du milieu où ses racines plongent en tout sens. Ce milieu, c’est une civilisation bien plus ancienne qui, née sur les bords du Nil, remonta les vallées du Tigre et de l’Euphrate pour se répandre, par la conquête et le commerce tout à la fois, à travers l’Asie-Mineure ; les Phéniciens en furent les agens maritimes, ils la portèrent dans tout le bassin de la Méditerranée avec l’alphabet dont ils étaient les inventeurs, avec le type et le culte de leur grande déesse-nature, Astarté. L’histoire de ces influences fécondes et de ce développement, on pourrait l’esquisser sans sortir du musée. On partirait de la collection égyptienne et des monumens du haut-empire, on passerait par la Chaldée et l’Assyrie ; on s’arrêterait, pour bien marquer les points de jonction et les étapes successives, en Phénicie, à Cypre, à Rhodes, dans cette nécropole de Camiros où M. Salzmann a découvert tant d’objets d’un caractère si franchement oriental ; on pousserait une pointe sur l’Étrurie, qui est représentée à Londres par quelques-uns des plus anciens ouvrages de ses artistes, par un tombeau de