Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 12.djvu/898

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même place qu’elle dans le monde. De larges crédits avaient permis d’augmenter le personnel et d’admettre le public à portes ouvertes, de doubler et de tripler le nombre des objets exposés dans les galeries, des manuscrits et des livres que renfermait la bibliothèque. Telle collection qui pendant de longues années n’avait guère existé au musée que de nom était devenue du jour au lendemain assez importante pour n’avoir plus à envier ses rivales du continent. À ces merveilles, il fallait un cadre digne d’elles ; à ces documens imprimés et manuscrits, il fallait de l’espace pour que tout pût être classé dans un ordre qui en permît l’usage aux travailleurs. La construction d’un édifice spécial destiné à contenir la bibliothèque et les musées de l’Angleterre fut donc commencée en 1830 sur les plans de l’architecte Robert Smirke, à qui succéda plus tard son frère cadet Sydney Smirke ; les derniers débris de Montagu-house tombèrent sous la pioche en 1845, mais l’œuvre ne fut vraiment achevée qu’il y a moins de vingt ans par l’inauguration de la nouvelle salle de lecture.

Pendant que se poursuivait ce grand travail de reconstruction et d’aménagement, les acquisitions se succédaient et se multipliaient ; telle galerie dont les dimensions avaient été calculées pour mettre fort à l’aise tous les objets qu’elle devait contenir se trouvait insuffisante avant d’être terminée. C’est que l’Angleterre, une fois les premiers pas faits, s’était piquée au jeu. Elle avait été mise en goût par le succès qu’avaient obtenu en Europe quelques-unes de ses récentes acquisitions ; une fois intéressé aux progrès du musée, l’amour-propre national ne lui avait plus marchandé le concours du budget. Dans le demi-siècle environ qui s’est écoulé depuis qu’ont été jetées les fondations des bâtimens actuels, la source des libéralités privées ne s’est point tarie. Les Thomas Grenville, les Henry Christy, les Félix Slade, d’autres encore qu’il serait trop long de nommer, tous ont continué la tradition de ces dons généreux auxquels le musée avait dû sa naissance et ses premiers progrès ; mais durant cette période le rôle de l’état devient de plus en plus prépondérant. Ce qui a rendu plus efficaces encore les bonnes dispositions de la chambre et de l’opinion, c’est la longue paix dont l’Angleterre a joui depuis soixante ans, ce sont ces budgets qui se soldent à chaque exercice par des excédans de recettes. Grâce à cet ensemble de circonstances favorables, le Musée-Britannique est devenu, qu’on nous passe l’expression, l’enfant gâté du parlement. D’une part sa dotation ordinaire s’accroît d’année en année, et cet été même la grande commission d’enquête sur le service civil, que présidait M. Playfair, a pris des conclusions qui aboutiront au vote de crédits nouveaux : elle propose l’augmentation des traitemens alloués à tous les employés du musée. D’autre