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d’une grande dimension : on y voit un roi, l’uræus dressé sur le front, recevant l’accolade d’une Isis ou d’une Hathor coiffée du disque lunaire et des cornes de vache ; de l’inscription hiéroglyphique égyptienne qui accompagnait ces sculptures, un seul mot est venu jusqu’à nous : « éternellement. » La finesse du contour et la suprême élégance du dessin portaient M. de Rougé à voir en ce monument une œuvre de l’époque des Saïtes.

Le chef de la mission n’a jamais hésité sur la nature de l’édifice dont on venait d’exhumer ces ruines : là était le grand temple de la cité sainte, le sanctuaire de Baalath et d’Adonis, que les pèlerins apercevaient de la mer et où se passaient les cérémonies et les spectacles des adonies. Peut-être la figure de cet édifice nous a-t-elle été conservée sur deux monnaies frappées sous Macrin, où se lit le nom de la « sainte Byblos. » La construction en pierres énormes dont nous avons parlé aurait été le socle de la pyramide représentée sur les monnaies, entourée de colonnes, rattachée à une vaste cour sacrée et à un temple aux assises colossales. Ce qui ne permet plus aucun doute sur la justesse de cette intuition, c’est la découverte qu’on a faite naguère devant une maison dont l’endroit est indiqué, sur la planche XIX de la Mission, comme présentant des « vestiges de constructions anciennes. » Je veux parler de la stèle phénicienne de Yehawmelek, roi de Gebal, et des deux lions de style archaïque trouvés auprès ; cette pierre a sûrement appartenu au grand temple de la déesse de Byblos. Le registre supérieur nous montre, gravée au trait, une déesse assise sur un trône, la longue robe collante, les cheveux retenus sur le front par un bandeau, la tête coiffée du disque solaire flanqué de deux cornes de vache, posé sur un oiseau à la queue déployée sur la nuque et la tête dressée sur son front ; la main droite, levée, s’ouvre pour protéger ou bénir ; la gauche tient un long sceptre de papyrus. C’est le costume, l’attitude, les attributs d’une Isis-Hathor. Le style et le procédé sont égyptiens. Un personnage vêtu comme un roi de Perse, le roi phénicien Yehawmelek, la barbe longue et frisée, la tiare basse et cylindrique, la longue tunique relevée dans la ceinture, ainsi qu’aux bas-reliefs de Persépolis, se tient debout devant la déesse et lui offre une libation. Le disque égyptien, aux ailes inclinées, surmonte cette stèle ; le globe solaire et les deux uræus étaient en métal ; on le reconnaît encore aux traces des clous et à l’encastrement primitif. Le registre inférieur, dont une cassure ancienne a fait disparaître en partie les six dernières lignes, se compose d’une inscription phénicienne de quinze lignes.

Si ce texte épigraphique, presque aussi célèbre aujourd’hui que ceux de la stèle de Méscha et de l’inscription funéraire d’Eschmounazar, n’a pas été rendu à la lumière par la mission, c’est qu’il était